Page 12 - Luigi Pericle_Le maitre secret
P. 12
Le parcours de l’exposition évoque aussi l’histoire du Monte Verità (qui signifie littéralement « colline de la Vérité » et sur les flancs de laquelle l’artiste choisit de vivre), racontée en 1978 par le conservateur Harald Szeemann, avec l’exposition Les mamelles de la vérité. Le genius loci du lieu, avec ses souvenirs encore tangibles, peuplé d’anarchistes, de théosophes, de poètes, de danseurs révolutionnaires et d’anthroposophes, a fasciné Luigi Pericle et l’a poussé à abandonner le système stéréotypé de l’art pour suivre le vent de la pleine émancipation et de la liberté spirituelle et intellectuelle, fidèle aux valeurs les plus absolues de la vie. Ce chercheur infatigable en philosophies classiques et orientales, voué à la spiritualité, s’est toujours concentré sur la recherche d’une vérité absolue, par-delà les contingences et la matérialité.
Le contexte à observer est celui d’Ascona, un petit village situé sur les pentes du légendaire Monte Verità, un carrefour de cultures et – avec la fondation au début du XXe siècle d’une colonie théosophique, végétarienne et naturiste – un lieu de rencontre pour certaines des plus grandes figures culturelles du siècle : Hermann Hesse, D.H. Lawrence, James
Joyce, Hugo Ball et les dadaïstes, Marianne von Werefkin et Alexej von Jawlensky, ces derniers expressionnistes du Blaue Reiter de Kandinsky.
Des liens idéaux se sont aussi créés avec Vassily Kandinsky qui, en 1910 dans l’ouvrage Du spirituel dans l’art, écrit : « La théosophie représente une force vigoureuse pour l’atmosphère spirituelle et sous cette forme elle peut rejoindre, comme un son de libération, beaucoup de cœurs désespérés envahis par les ténèbres et par la nuit : celle-ci représente donc une aide qui donne une direction ».
Olga Fröbe-Kapteyn en fut le prolongement idéal, en créant le Cercle (Tagung) Eranos – qui existent aujourd’hui encore – dans le but de construire un pont entre l’Ouest et l’Est. Les rencontres ont été animées à partir de 1933 par Carl Gustav Jung en compagnie de quelques-uns des principaux intellectuels de l’époque, dont le fondateur de la « science du mythe » Károly Kerényi, le philologue Friedrich Max Müller, Gershom Scholem et le conservateur d’art Sir Herbert Read, qui fut conférencier à la Tagung de 1953 à 1964.
6