Page 20 - Revue 6 Preuve_Neat
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Noir des cendres

                                                                                            Vivianne Melh





































               Je ne veux plus de la vie. Elle m’encombre.

               Ce ne sont pas mes bras qui croulent sous les paquets, les cartons ou le bric à
               brac d’un déménagement. Ce ne sont pas mes pieds qui ploient sous le fardeau et
               le trop plein de courbatures. Je suis las, tout simplement. Je suis fatigué d’avancer
               dans le noir.

               Mes amis m’ont quitté. Ils sont partis les uns après les autres et je n’ai pu les
               retenir. Je suis seul et je reste bêtement au bord du talus. Il n’y a plus de route. Il
               n’y a plus rien. Les paysages qui réjouissaient ma vue ne m’intéressent plus. Je ne
               les  vois  plus.  Tout  se  confond  inexorablement  dans  l’espace.  Des  arbres,  des
               maisons, des rivières et des  forêts qui s’étagent jusqu’au ciel, l’harmonie de la
               nature ne m’émeut plus. Le ciel, l’avenir, la mode, comme mes chaussures… tout
               est noir, noir de boue, noir de brouillard.

               Mes amis sont des noms inscrits dans mon calepin, des photos dans mes tiroirs,
               et  ma  raison  chancelle.  Le  chemin  que  nous  avions  parcouru  ensemble,  plein








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