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PRIERES AMAZONIENNES
JOSE CARLOS RODRIGUEZ NAJAR
Je suis né coupable et cela a nourri la tentation de vivre
à la poursuite d’un improbable bonheur ; les abîmes du
vertige ont annulé tout vestige de cet enchantement ; mon
esprit pusillanime m’a fait boire Vallejo goutte à goutte,
jour après jour, sur les quais de la Seine. Je mange
l’incertitude d’être homme, os par os, à la table misérable de
Paris.
La poésie s’est attachée à mon âme et a tatoué son stigmate ;
je n’écris pas pour être flatté par la critique ou les bonnes
consciences et non plus pour succomber à l’excitation du
pu pouvoir à travers l’écriture.
L’homme est une création qui ne peut se substituer à Dieu
et je ne partage pas la pensée de Nietzsche qui proclame sa
mort, pas plus que celle de son inconditionnel César Vallejo
qui le condamne à un triste compagnonnage.
« Prières Amazoniennes » est née dans cette
broussaille : « Je suis ton œuvre, je suis ton vrai moi, je suis
ta propre âme sculptée toi-même » comme cela est dit dans
le Zend-Avesta, ce fut ainsi, c’est ainsi, ce sera ainsi, la prière
comme un requiem infini, morbide, fossoyeur. Je trouve
mon cri dans ce Babel et je sculpte en vingt cris les arbres
luxuriants de l’Amazonie, sur chaque feuille et chaque front
des ces enfants évidents.
Avec mes vers j’ai voulu exorciser le RENACO, arbre malin
Des fleuves amazoniens, où dorment les pouvoirs secrets de
la forêt.
José Carlos Rodriguez Najar est né au Pérou où il suit des études de Langue et continue à l’Ecole
des Hautes Etudes en Sciences Sociales à Paris. Il contribue activement à la création du Mouvement
Hora Zero International avec des poètes français, grecs, belges, marocains, mexicains… Suite à ses
nombreuses créations et à son activité littéraire en 2014 il reçoit la médaille du Senat français,
donnée aux personnalités de l’Amérique latine et des Caraïbes. Toujours à Paris, il publie des
romans, de la poésie et même une anthologie de poésie de sa génération, le tout en éditions
bilingues.Il y a dans son œuvre un lent processus de dénouement de l’habillage du cosmopolitisme,
des masques de l’Histoire et des bêtes domestiques de la politique pour céder la prééminence à la
lumière de ses obstinations. L’Amazonie, ses symboles majeurs – les espaces sacrés et ses êtres
mythologiques –sont plus que des raisons d’existence utiles pour pénétrer dans ses secretsplus
intimes.Sa parole a ôté tous ses voiles. La parole toute nue nous parle seulement de l’essentiel, de
l’essence de ses propres mortifications. Voilà José Carlos, « El Charapa », nu. Et ainsi, dans sa totale
nudité, il a obtenu que sa voix acquière des connotations sacrées.
Textes extraits du recueil
" Prières amazoniennes » aux éditions L’Harmattan"
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