Page 39 - AFJET CDV 23
P. 39

 dD’histoire quand l’art sacré défie le temps
L’Auvergne romane :
 Caroline Rocca
ans un rayon d’une trentaine de kilomètres autour de Clermont-Ferrand, cinq églises majeures sont prises en référence pour représenter l’âge d’or de l’art roman. Elles résument l’unité artistique et culturelle de toute une région.
Ces joyaux incomparables sont admirés pour leur qualité architecturale et technique, leur décor sculpté, mais aussi pour l’atmosphère particulière qui s’en dégage.
Chaque détail est un témoin de ce souci d’universalité qui va envahir l’Occident enfin débarrassé des peuples pillards qui se sont succédés jusqu’à la fin du Xe siècle.
Clermont, entre phare et conquête
Après des siècles d’invasions, l’Occident entre peu à peu dans une période de paix et d’équilibre. Le modèle féodal se renforce, la société devient commerçante et urbaine. Les peuples dit « barbares » se stabilisent et s’intègrent dans la communauté chrétienne.
L’Église elle-même est en mutation, poussée par une nouvelle spiritualité qui apparaît et répond à une nécessité de profond changement dans son organisation héritée de l’Antiquité. Le siège pontifical et les milieux monastiques prennentdel’importance.L’Auvergnevaalorsdevenirl’un des foyers les plus riches et les plus novateurs de ce temps de modernisation.
En première ligne, le monastère de Cluny va imposer sa réforme à partir de la règle bénédictine. Ce que l’on appelle la « réforme grégorienne » va très vite conquérir la France, mais aussi l’Empire et l’Italie.
Sur les terres auvergnates, les relations avec la papauté se renforcent encore quand un pontife profite d’un concile à Clermont pour lancer un appel aux chevaliers et amorcer ce que l’on appellera plus tard la « première croisade » (Urbain II, 1095).
Dans ce contexte, les constructions d’importance, voire fastueuses, suivent l’intense pensée spirituelle.
La multiplication des pèlerinages et le culte des reliques, associés à la volonté de pureté et de grandeur liturgique, vont ainsi permettre l’éclosion d’un style propre à l’Auvergne.
Architecture : mutations et modèles romans au XIe et XIIe siècles
Comme les échanges se renforcent en Occident et au- delà, des bâtisseurs aux larges influences se rencontrent et vont élaborer un nouveau modèle d’architecture dans le but de glorifier l’Église et de réunir en un lieu unique le clergé, les notables, les simples pèlerins, les paysans ou les citadins. Le plan au sol, la répartition des espaces liturgiques et les dimensions doivent s’adapter à cet essor. Les voûtes remplacent désormais les charpentes. Pour soutenir l’ensemble qui devient plus vaste, les murs et les supports se renforcent en multipliant d’audacieuses innovations techniques. Les souvenirs antiques et les influences byzantines par ticipent également aux prouesses des bâtisseurs. Plus encore, afin de magnifier les lieux, la sculpture et la peinture murale prennent une place cruciale. Rien n’est trop beau pour l’ecclésia.
En seulement deux siècles d’apogée, en suivant la géométrie, la philosophie et la spiritualité bouillonnante qui galvanise les esprits de l’an mil, des hommes vont consacrer leur vie, leur fortune ou leurs rêves dans le seul but d’honorer Dieu, le Sauveur ou la Vierge Marie.
 afjet - Carnet de Voyage n°23 - Hiver 2023 association française des journalistes et écrivains de tourisme
39

















































































   37   38   39   40   41