Page 59 - Ihedate - l'annuel 2016 (N°2)
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MARTIN LANOUX, BENJAMIN MUSELET, MANON RIVET,
LÉNA SAFFON
ET PHILIPPE ESTEBE Aménagement
et démocratie :
L’aménagement du territoire peut-il être démocratique ?
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où en est le consensus néerlandais ?
Pragmatisme et consensus. A eux seuls, ces deux mots résument le fonctionnement
politique de l’aménagement du territoire aux Pays-Bas.
Cette faculté à agir rapidement et à trouver des solutions de compromis a permis aux Néerlan- dais d’atteindre un niveau de développement aussi important malgré les contraintes de leur territoire.
La mission d’études 2016 de l’IHEDATE a permis de mieux comprendre cette façon de faire, mais aussi d’en questionner les limites, notamment au plan démocratique.
Démocratie centralisée : quelle force de la planification par rapport au risque ?
L’aménagement du territoire est, aux Pays-Bas, une politique de démocratie centralisée. La mission d’études au Pays-Bas a été l’occa- sion de vérifier l’importance de l’État central néerlandais dans l’aménagement du territoire. En effet, si de nombreuses compé- tences d’État ont été, comme en France, peu à peu décentralisées, les Néerlandais s’accordent à dire que la maîtrise du territoire, qui comprend la gestion des terres
agricoles et des aménagements de protection contre les eaux, est une compétence unique du gouver- nement central. Au même titre que la police ou l’armée, l’État aména- geur est donc un acteur essentiel à la protection et la préservation du pays. D’une certaine façon, le consensus qui prévaut, sur le rôle central de l’État face au risque permanent de submersion du pays, fait penser à celui qui a permis, après guerre, la reconstruction et le développement du territoire en France.
La différence principale d’avec la situation française réside dans les caractéristiques du terri- toire. Les politiques françaises d’aménagement du territoire ont toujours oscillé entre le soutien aux champions nationaux et la
recherche de l’équilibre territorial. La configuration des Pays-Bas facilite les choix stratégiques : il n’est pas nécessaire de préserver l’équilibre entre Dunkerque, le Havre ou Marseille puisque tout le monde est d’accord pour dire qu’il n’y a qu’un seul port, Rotterdam ; il n’est pas non plus nécessaire d’arbitrer entre quatre ou cinq aéroports de classe mondiale, il n’en existe qu’un, Schiphol, chacun l’admet.
La planification centrale ne cherche pas non plus à maîtriser l’ensemble du territoire néerlandais. L’État central est maître d’ouvrage et les collectivités disposent d’une grande liberté pour mettre en œuvre les orientations et les objectifs nationaux, pourvu que les résultats visés soient atteints.
LE MAESLANTKETING
EST LE DERNIER BARRAGE DU PLAN DELTA POUR LUTTER CONTRE LES INONDATIONS MARITIMES.
EN 1953, LA MER DU NORD A INONDÉ LE PAYS, PROVOQUANT LA MORT DE 1 835 PERSONNES.
© Sophie Knapp