Page 69 - Ihedate - l'annuel 2016 (N°2)
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L’aménagement du territoire peut-il être démocratique ?
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Les nouvelles figures du système productif
Je mesure à quel point les quinze dernières années ont été des années de mutation. Nous sommes sortis du développement par le haut des Trente glorieuses, où l’Etat et les grandes firmes aménageaient le territoire économique à coup de grands projets. Le «dévelop- pement local» doit prendre le relais, en valorisant les ressources spécifiques, différenciantes, des territoires. La mondialisation, paradoxalement, renforce ce rôle du local, du territoire fournisseur de « capital social », de ressources en compétences et en relations, de potentiels de coopération et de confiance cruciaux dans un monde devenu plus vaste et plus imprévisible. La coopération entre acteurs, au sein des entreprises et entre les entreprises et leur environnement, est désormais la force centrale du développement. Pour les PME, le problème n’est pas la taille, mais l’isolement. Cela reste vrai aujourd’hui comme hier. Mais que de changements ! Dans le contexte général, et dans notre façon de poser les problèmes. Il y a quinze ans, le jeu de la mondialisation se jouait entre les trois grands pôles du monde développé, les émergents pesaient peu dans les flux d’investissements directs à l’étranger. La montée
de la Chine et de l’Asie en était à ses débuts. Le numérique était un secteur isolé et pas encore la force de mutation qui s’impose à tous les secteurs. L’économie sociale et solidaire était un sujet à part. Le collaboratif n’existait pas.
La session de février 2016 a combiné deux approches : des points de vue d’analystes, pour apporter une vision de synthèse sur les grands processus en cours ; des témoignages vécus et des débats. Antoine Frémont a présenté le processus central, et pourtant méconnu, de la mondialisation par la mer tandis que je proposais un panorama des grandes mutations de ce que j’appelle le monde « hyperindus- triel », pour bien marteler le refus de la vision « post-industrielle » qui nous a fait tant de mal. Chacun a essayé de présenter ce fond de tableau, forcément schéma- tique. Un tableau inquiétant par la force de la polarisation, les implications en termes d’inéga- lités et de dissociations territo- riales, l’ « oubli » d’une grande partie de la planète, l’absence de régulation de processus clés comme le transport maritime ou la sécession fiscale de beaucoup d’entreprises. Mais j’ai voulu aussi
contrebalancer cette vision « dure » par des exemples montrant que des marges de jeu formidables restaient ouvertes, surtout pour un pays aussi bien doté en ressources que la France. D’où les témoignages...
Antoine Frémont est géographe. Depuis 2016, il est directeur adjoint de l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux.
Pierre Veltz
Ingénieur des Ponts et Chaussées
et docteur en sociologie,
ancien directeur de l’ENPC
et de l’IHEDATE. Il a enseigné
à l’École des Ponts et à Sciences Po. Après avoir dirigé la mission région capitale auprès du Secrétariat d’Etat à la région capitale, il a été de 2010 à 2015 président directeur général de l’Etablissement public de Paris- Saclay, en charge de concevoir
et de mettre en œuvre le projet
de cluster. Pierre Veltz est président du conseil scientifique de l’IHEDATE.


































































































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