Page 24 - IHEDATE - L'annuel 2017
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HAROLD LEVREL,
ÉCONOMISTE
devenu au l du temps un levier d’action majeur des politiques environnementales. Cet outil peut être perçu de façon négative ou positive : «D’un côté, la compensation peut être envisagée comme un droit à détruire. Et pour certains, la situation est pire qu’avant parce que là où on protégeait autrefois,
il est aujourd’hui possible d’arti cialiser puisqu’il y aura compensation. Mais la nouveauté dont il faut se réjouir vient de l’évolution de notre rapport à la nature : la compensation fait partie de la reconnais- sance du préjudice écologique de la nature pour elle-même. Pour qu’il y ait compensation, il faut qu’un gain écologique vienne compenser une perte écologique. Certes, l’arti cialisation des sols se poursuit, mais ne pas prendre en compte l’environ- nement n’est plus possible aujourd’hui. »
Sait-on faire de la réparation écologique ?
Si certains soutiennent que cet outil ne permet pas de faire réellement évoluer les modes d’aménagement, d’autres y voient pourtant un levier d’action intéressant pour réguler les pratiques. Entre les deux, Harold Levrel pondère : «Le scienti que ne se demande pas si la compensation est bien ou mal. Il étudie les nuances de gris dans cet outil. Ses détracteurs disent qu’on ne sait pas faire de la réparation écologique. De fait, plusieurs travaux ont montré que l’on n’atteint jamais une restauration écologique à 100 %. Par conséquent, il serait illusoire de prétendre compenser. En réalité, cela dépend de ce qu’on veut compenser. On peut quali er une bonne compensation au regard d’un certain nombre de critères. Je pense qu’on devrait dé nir une frontière de la compensation, c’est-à-dire ce qu’on sait faire et ce qu’on ne sait pas faire. Et aujourd’hui, cette frontière n’est pas du tout discutée de manière précise.»
Or, regrette Harold Levrel, «nous manquons d’outils, de méthodes de calcul harmonisées pour avoir un langage commun d’interactions entre les administrations. Il faut créer des règles et des institutions qui permettront de stabiliser la nouvelle loi.» Mais l’économiste pointe aussi les opportunités : «Cette réglementation, mais surtout son application, peuvent générer le développement d’un secteur économique. » Ou comment réconcilier objectifs de développement économique et enjeux de conservation de la biodiversité grâce à la compensation environnementale.
SOPHIE KNAPP
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