Page 93 - IHEDATE - L'annuel 2017
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Les territoires et le monde
Comment voyez-vous les prochaines
décennies ?
Nous sommes aujourd’hui au milieu du gué. La France peut encore largement dynamiser ses exportations. Alors que nous sommes les champions dans certains secteurs comme les vins, nous sommes vraiment mauvais dans d’autres. Par exemple, nous n’exportons pas notre cantal ou notre viande bovine charolaise. Nous pouvons pro ter du fait que la demande mondiale de biens alimentaires va être croissante. Mais l’agriculture française doit être davantage contractualisée et s’appuyer sur des  lières dans lesquelles une réussite partagée peut être construite.
La France doit aussi promouvoir la qualité et renforcer le « Made in France », surtout au niveau de la restauration hors domicile (RHD). Le décalage entre l’image de la gastronomie française et la réalité est immense. Un seul exemple : aujourd’hui, 87% des poulets con- sommés dans la RHD ne sont pas français.
Qu’en est-il de la future politique
agricole commune ?
Il va falloir la préparer. Le dé  est d’autant plus grand que depuis des décennies, la France récupère de l’argent public européen grâce à la PAC. Aujourd’hui encore, on limite les aides aux anciens pays de l’Est, au prétexte que ce sont de «nouveaux entrants». Ils sont pourtant entrés en 2004 ! Quand le budget de la PAC sera renégocié dans le cadre du prochain cadre  nancier pluriannuel à partir de 2020, ces pays vont discuter très sévèrement. Il faudra que la France sache ce qu’elle veut et se donne les moyens de le défendre dans le contexte européen. Mais la France aura sans doute tellement peur de perdre ses avantages  nanciers qu’elle ne sera pas force de proposition.
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Et du côté des territoires français, toutes les collectivités territoriales n’ont pas une vision partagée de la manière dont on doit utiliser l’argent public pour l’agriculture. Donc il va y avoir un débat très stimulant intellectuellement mais sans doute très compliqué dans les faits.
Il y a un autre point à ne pas négliger, ce sont nos représentants au Parlement européen. Dans les années 2000 à 2010, nous avions Stéphane Le Foll, Michel Dantin, des gens qui défendaient notre agriculture. Aujourd’hui, quand nos députés du Front national parlent de la politique agricole commune, cela fait beaucoup rire les Allemands. Notre position politique au Parlement européen dans la commission agriculture n’est plus aussi forte qu’il y a dix ans. Donc pour la négociation de la prochaine PAC, la situation sera beaucoup moins simple pour la France.
LES CÉRÉALES FRANÇAISES SONT VENDUES PRINCIPALEMENT À LA BELGIQUE, AUX PAYS-BAS ET À L’ESPAGNE.
© Sophie Knapp


































































































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