Page 37 - IHEDATE l'annuel 2015
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LE MARCHÉ INTERNATIONAL DES PROFESSIONNELS DE L’IMMOBILIER
résidentiel. Un immeuble, c’est une localisation, une hauteur, des surfaces sous plafond, des caractéristiques de consommation énergétique. Tout cela est mis dans une grille qui permet de justifier auprès du fournisseur de capitaux le fait qu’il faille investir ou pas. A travers cette manière de mettre le monde selon des catégories, les gestionnaires d’actifs contribuent à le formater et le hiérarchiser.
Répondre aux attentes des investisseurs
Mais ils ne sont pas directement sur le terrain. Leur voix est portée par des intermédiaires, les conseil- lers immobiliers, dont le rôle est souvent négligé quand il s’agit de comprendre les mécanismes qui entrent en jeu dans les marchés non résidentiels. Car ce sont ces conseillers immobiliers qui fabriquent les représentations du marché. Ils travaillent pour une poignée de groupes, CBRE ou encore JLL, et la représentation très déformante et uniformisée qu’ils proposent par rapport à l’ensemble de l’immobilier non résidentiel a un but bien précis, répondre aux attentes et aux stratégies des investisseurs.La fabrication et la diffusion de ces représentations sur les espaces urbains et sur l’immobilier sont favorisées par la presse profes- sionnelle, « Business Immo ». Et Ludovic Halbert constate de façon amusée que de plus en plus, les collectivités, notamment les services d’aménagement, voire de développement économique, sont des lecteurs et même des abonnés de ce type de revue. Avec pour conséquence d’être influencés dans leur perception du marché. Ces mêmes collectivités locales fréquentent le MIPIM, le marché
international des professionnels de l’immobilier, lieu emblématique où s’échangent et se diffusent ces codes et ces normes dont sont porteurs les investisseurs. Au total, c’est tout un système d’acteurs qui s’est mis en place de façon très territorialisée, puisque la majorité de ces professionnels sont basés en région parisienne. Et ce milieu extrêmement parisien a une forte cohésion et partage les mêmes critères du «bon» investissement.
Des formes architecturales standardisées
Etudier les stratégies patrimoniales des gestionnaires d’actifs, c’est faire face à des comportements très sélectifs d’un point de vue spatial. Les gestionnaires d’actifs, friands de matrices, de modèles et de grilles, ont défini des catégories d’investissements avec lesquels ils sont plus à l’aise. Ce sont plutôt les bureaux ou les commerces. Ils sont peu présents dans les locaux artisanaux ou dans le résidentiel.
Au-delà de ces choix très ciblés, Ludovic Halbert relève qu’ils diffusent des standards sur les formes sensibles d’un point de vue architectural. Il a ainsi étudié un ensemble de bureaux dans les Hauts-de-Seine, dont les immeubles appartiennent à Axa REIM. Ce qui frappe au premier regard, c’est la taille des immeubles. Ils sont très grands, environ 40 000 m2. Là où plusieurs petits immeubles disséminés dans l’espace urbain nécessiteraient un coût de gestion important, cette taille imposante permet de les réduire.Un autre élément apparaît déterminant dans ces bureaux, les formes architecturales en peigne. Les
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gestionnaires d’actifs favorisent ces formes architecturales avec plusieurs plots tenus par un même immeuble, car elles permettent de louer tout l’immeuble à une seule entreprise ou bien de cloisonner pour accueillir trois entreprises différentes.
L’une des conséquences de cette standardisation est que les inves- tisseurs n’aiment pas beaucoup les petites entreprises. Ils préfèrent louer des grandes surfaces. Ils privilégient un profil d’usagers. Ils favorisent des locataires qui s’engagent, qui ont des caracté- ristiques proches d’un emprunt obligataire. Les investisseurs aiment que leurs immeubles fonctionnent comme des obliga- tions. Ils optent plus facilement pour une grande entreprise recon- nue plutôt que pour une petite société qu’ils ne connaissent pas.
© Reed MIDEM -Paris Headquarters / Agence Les Pirates