Page 57 - IHEDATE l'annuel 2015

« la matrice d'un modernisme radical » mais surtout la tentative de Gropius d'une «nouvelle construction de l'Avenir» tel que le décrit remarquablement Lionel Richard dans son livre Comprendre le Bauhaus. Ce qui frappe le visiteur quand il contemple la production du Bauhaus, c'est la somme d'objets utilitaires qui jusqu'à aujourd'hui font partie du quotidien et de l'habitat et dont les originaux s'arrachent à prix d'or (meubles de Breuer, lampes de Wagenfeld, ou encore couverts, salières, coquetiers, beurriers, vases toujours commer- cialisés par WMF). La dimension fonctionnelle, technique, le design, la couleur du produit industrialisé sont autant d'éléments destinés à augmenter la valeur d'usage du produit et à le positionner dans le haut de gamme.
IMMEUBLE DE LA BAUHAUS
Des entreprises et des territoires I57
Quelle imbrication y a-t-il entre la ville
industrielle et le territoire allemand ?
Cette imbrication entre l'urbain et l'industrie résulte de plusieurs facteurs. En premier lieu, l'unification économique, monétaire et politique menée activement par l'Etat prussien : à partir de 1850, la libéralisation du cadre législatif va canaliser l'épargne de la bourgeoisie allemande vers l'industrie et permettre le développement des chemins de fer, de la métallurgie, des sociétés par actions. Au XIXe siècle, les lignes de chemin de fer sont les grandes rênes de la puissance industrielle et militaire et dès 1870, le dessin de l'armature du réseau ferré qui couvre l'ensemble du territoire du Reich est aussi celui de l'armature urbaine. Le décollage économique des Gründerjahre, période des fondateurs des grandes entreprises industrielles et bancaires, puis la phase de seconde indus- trialisation à partir de 1880 vont bénéficier de mouvements de migration intérieure d'une très grande ampleur qui se répartissent sur les différents centres urbains. L'armature urbaine change d'échelle. Dès 1910, l'Allemagne compte 48 villes de plus de 100000 habitants.
Ce passage brutal d'un Etat agricole (Agraars- taat) à un Etat industriel (Indutriestaat) va avoir pour corollaire le développement de courants successifs d’idéologie urbaine qui vont s’atta- cher à réparer le tissu urbain, remettre de l’ordre dans la ville industrielle pour séparer le travail du logement et des infrastructures. A cet égard, les villes sidérurgiques allemandes vont devenir des terrains de projection des utopies urbaines et des laboratoires d'expé- rimentations. Creusets des différents stades de maturité du modèle allemand du XIXe siècle jusqu'à aujourd'hui, les villes de Duisbourg, Salzgitter et d'Eisenhüttenstadt donnent une lecture spatiale et sociale saisissante de l'évolution de l'interaction entre l'industrie, la ville, la société et l'Etat.
À DESSAU
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