Page 59 - IHEDATE l'annuel 2015
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L'héritage historique d'une unification tardive a permis de donner à l'industrialisation une base régionale forte, contrepoids de taille à toute tentative de dérive d'un pouvoir écono- mique et politique exclusif à Berlin, échappant du même coup à un clivage entre une élite dirigeante et une élite industrielle. En raison de ces différents facteurs historiques, nous ne sommes pas en Allemagne dans une approche disjonctive du territoire qui oppose ville et industrie.
La ville ou plutôt l'agglomération urbaine est pensée en tant qu'entité économique. La grande tradition des réformes administratives en Allemagne visait à obtenir une échelle critique en termes de poids économique : constituer des entités avec une population comprise entre 5000 et 10000 habitants pour réaliser des économies et augmenter l’efficience des administrations communales et des services publics économiques.
Entre 1967 et 1978, les Länder allemands ont conduit une politique de réduction du nombre de communes pilotées au niveau des Etats-régions. Ce processus a permis de diviser par plus de deux le nombre de communes : en passant de 24500 entités communales dont près de la moitié avaient moins de 500 habitants à un peu moins de 9 000 entités (avant l'Unification), soit environ 12 000 entités aujourd'hui.Cette organisation du territoire conduit à une segmentation beaucoup plus atténuée qu'en France entre « territoires productifs » et « territoires résidentiels ». L'industrie n'est pas le seul fait des métropoles et se distribue sur tout le territoire. Gary Herrigel parle d'un « ordre industriel décentralisé », notamment en Bavière et Bade-Wurtemberg où les entreprises du Mittelstand sont très concentrées. Ordre industriel décentralisé qui est aussi indissociable de la genèse du territoire allemand avec la prégnance de fortes entités et identités régionales constituant autrefois des principautés.
Des entreprises et des territoires I59
Comment l’Allemagne réagit-elle face
au vieillissement de sa population ?
Le vieillissement significatif de la population est un problème pointé du doigt depuis longtemps et qui est une menace réelle pour l'industrie. Avec un taux de natalité de 8,4 enfants pour mille habitants ces cinq dernières années, l'Alle- magne est dernière du classement mondial. Elle a réagi à sa manière et est devenue en 2014 le 2e pays d’immigration après les Etats-Unis.
La migration a été une clé de l’essor industriel allemand.
Ce boom de migrants, plus de 1,1 million de demandeurs d'asile en 2015, percute de plein fouet un système allemand qui se trouve tout d'un coup submergé, désorganisé et menacé. La société allemande avait réussi jusqu'à présent à préserver un ordre social appuyé sur un corpus de règles fondées sur l'équité, la tolérance, la responsabilité, le devoir et le bien commun, autant de clés d'appartenance à la société et à la communauté (Gemeinschaft). Le face à face avec des cultures, des coutumes, des valeurs différentes, incarné notamment par la question de la place et du statut de la femme dans la société, est à présent une donnée du quotidien qui bouleverse ce cadre établi. Il est top tôt pour en tirer des conclusions sur l'identité de la société allemande et une crise potentielle.
L'Etat doit en urgence repenser les modes d'intégration et en particulier le statut des réfugiés, avec la nécessité d'accélérer les procédures de droit d'asile, la possibilité de candidater pour un emploi, l'apprentissage de l'allemand et l'accès à un logement.


































































































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