Page 70 - Annuel 2018
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JULIEN DAMON
Territoires et protection sociale
Julien Damon
est professeur associé à Sciences Po, conseiller scientifique de l’École nationale supérieure de la Sécurité sociale (EN3S).
Une visite à Lyon et à Saint-Étienne, terres à la fois d’innovation en matière de protection sociale et de confron- tation aux évolutions des risques sociaux, permet une plongée dans les mécanismes français de prévoyance, d’assurance, d’assistance et de bienfaisance. Un tel examen sur site permet de mesurer la volumétrie de ce qu’est le modèle français de protection sociale, dans ses caractéristiques éminemment nationales mais aussi dans ses composantes locales.
La protection sociale, dans son ensemble, ce sont 760 milliards d’euros de dépenses. Celles-ci relèvent d’abord du vaisseau amiral de la protection sociale, c’est-à-dire de la Sécurité sociale. Mais les mouvements de transformation sont puissants. D’abord ce ne sont plus uniquement des cotisations qui  nancent, mais de plus en plus de la  scalité. Ce ne sont donc plus principalement les parte- naires sociaux qui sont à la manœuvre mais les pouvoirs publics. Ensuite, les différentes vagues de décentralisation ont con é davantage de responsabilité – dans un  ou compliqué – aux collec- tivités territoriales, aux départements en premier lieu.
Ici la ville de Lyon est singulière. Le « modèle lyonnais » de politiques sanitaires et sociales réaf rme l’héri-
tage d’une tradition humaniste, à la croisée du christianisme social et du solidarisme laïc. Il se concrétise notamment par l’engagement d’un réseau associatif riche. La création récente des métropoles a été l’occa- sion de repenser le pilotage local des politiques sociales et médico-sociales. A Lyon, la fusion des compétences du conseil général du Rhône et de la communauté d’agglomération depuis 2016 avait notamment pour but de simpli er l’accès aux services sociaux.
L’actualité et les perspectives des politiques sociales et sanitaires menées dans la métropole de Lyon sont de toute importance car, au-delà de leurs traits particuliers, s’y expéri- mente une gouvernance singulière. C’est ce que vivent les principaux organismes de Sécurité sociale (CAF et CPAM mais aussi, du côté recouvre- ment, URSSAF). En liaison avec les autres acteurs des politiques sociales et sanitaires, ces caisses gèrent des prestations nationales en les adaptant aux contextes locaux. Ces masses  nancières considérables (plus de 40 milliards d’euros collectés par l’URSSAF Rhône-Alpes) incarnent ce qui a été appelé «la circulation invisible des richesses » via les prélè- vements et les prestations versées. Cette architecture redistributive a un fort impact sur l’aménagement du
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© Sophie Knapp


































































































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