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DES CHOIX ÉNERGÉTIQUES À L’HUMANISME ÉCOLOGIQUE, RÉÉCRIVONS NOS RÉCITS FONDATEURS
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« VERS L’ACTION »
2.3.4. LA SOBRIÉTÉ, VALEUR MAÇONNIQUE
La sobriété s’oppose à l’hubris, l’absence de limite dans nos consommations. Elle devrait être un changement de comporte- ment « pris en conscience » et nous éman- ciper de nos conditionnements. La sobrié- té est à la fois choix personnel et nécessité collective. Pour éviter qu’elle devienne contrainte, réécrivons d’ores et déjà nos récits fondateurs.
e premier chapitre du « Récit pour le futur » présente un état des lieux pour le moins inquié- tant de la situation de la biosphère et des éco- systèmes. Il s’agit alors d’introduire la sobriété par la réduction de nos consommations de l’en-
semble des ressources, renouvelables
ou non, afin de répondre aux échéances qui nous sont posées par le changement climatique et les pertes de la biodiversité.
Avant de développer une approche de la sobriété, deux points essentiels doivent être précisés :
- on ne peut séparer la démarche de sobriété de la question sociale, elles sont interdépendantes ;
- les efforts de sobriété individuelle ne représentent, au plus, que 25% de l’effort global à fournir ; mais c’est déjà énorme pour infléchir une trajectoire ! La sobriété collective attendue des acteurs écono- miques, des décideurs politiques, des collectifs au sens large, représente 75% de cet effort.
1) SERIONS-NOUS DANS DES SOCIÉTÉS DE L’ADDICTION ?
C’est ce que signifiait Jean-Pierre COUTERON, psy- chologue clinicien, dans Cairn Info en 2012 : « [Cette société de l’addiction] promeut une culture de l’ex-
cès et de l’accélération qui habitue l’enfant, puis l’adolescent, à des réponses instantanées et in- tenses, similaires à celles qu’apporteront les subs- tances. Elles court-circuitent l’apprentissage des solutions éducatives, l’acquisition de compétences nouvelles, toujours condamnées à paraître plus in- certaines, fades, moins intenses et rapides ». Pa- trick PHARO, sociologue précisait dans une inter- view au Figaro en 2018 : « On ne rencontre pas dans les sociétés précapitalistes de phénomène d’addic- tion de masse, comme c’est le cas dans les sociétés contemporaines ».
Nous nous remplissons en continu d’images, de sé- ries sur Netflix, de musique en playlist ; nos pla- cards sont pleins de nos achats compulsifs ; nos comptes Facebook regorgent d’amis que nous ne connaîtrons jamais... La liste est longue de ce qui sans cesse nous incite à consommer toujours plus. Et comme pour toute addiction, il est difficile de s’en sortir sans aide et seul...
L’être humain est fait de désirs insatiables et d’ab- sence de limites. C’est ce que les philosophes nom- ment l’Hubris, terme qui nous vient des Grecs An- ciens. On le traduit par démesure, absence de mesure et de limites. Parmi les philosophes contemporains, deux d’entre eux nous proposent une « définition » de la sobriété en opposition à l’Hubris :
• Dominique BOURG en donne une définition en premier lieu écologique et même ontologique. Elle prend appui sur les limites planétaires et la disponi- bilité des ressources. Mais il le précise : « La so- briété est vraiment inséparable de la justice. Parce qu’en fait, on ne peut pas séparer les inégalités so- ciales des inégalités environnementales. Les inéga- lités sociales ont toujours été des inégalités dans l’accès aux ressources, c’est le recto et le verso d’une même feuille de papier».
Commission Nationale de Réflexion sur le Développement Durable (CNRDD) Mars 2021 - P78