Page 18 - MOBILITES MAGAZINE N°29
P. 18

                                 Politiques & institutions
   PRIVATISER LES GAINS, SOCIALISER LES PERTES (SUITE...)
  L'etat est le principal bénéficiaire de la fiscalité s'exerçant sur l'industrie automobile puisque l'en- semble des taxes prélevées sur le secteur représente 44,9 Mds€ chaque année(1). Parallèlement, les dé- penses des administrations publiques pour la route ne se sont élevées, cette même année, qu'à près de 14 Mds€. Selon Jean Mesqui, Président de l'URF, cela représente un excédent des recettes fiscales spécifiques sur les dépenses routières publiques de plus de 31 Mds€.
Sur 1 103 000 km de patrimoine routier, seuls 11 700km sont encore gérés par l'etat, tout le reste est transféré aux collectivités locales ou concédé. Sur ce dernier point, la LoM abrite une discrète disposition s'inscrivant dans la logique de désengagement de l'etat entamé depuis des années.
Il s'agit d'un amendement déposé par le député Joël Giraud, qui prévoit la mise sous régime de concession des infrastructures routières (et non plus seulement autoroutières) dès lors qu'elles se situent dans le prolongement, ou qu'elles desservent ou relient des autoroutes.
ainsi rédigé, cet amendement voit sa portée dépasser largement le cadre des ouvrages autoroutiers en montagne, tel que défendu par son auteur, et constitue un cadeau royal aux Vinci, abertis et autres eiffage qui étendront ainsi leur emprise sur les chaussées à 2 voies situées entre des tronçons d'autoroutes.
on pense évidemment ici, entre autres, à la RCea (alias Rn79) entre Mâcon, Moulins et Montluçon... Paradoxe cynique : l'etat, les régions et les départe- ment ont investi des sommes considérables pour cet axe, et ce pourraient être les sociétés autorou- tières, désormais privées, qui en tireraient les bé- néfices en achevant les quelques dizaines de kilo- mètres manquants à l'ouvrage !
Route nationale 150
à Saint-Romain-de-Benet.
Le département de l'allier, à court de budget, s'était exprimé par le passé favorable à une mise en concession. La LoM ouvre ainsi de belles perspectives économiques pour ces sociétés privées, toujours à l'affût de nouvelles recettes(2).
Face à cela, les communes, surtout en zones rurales, sont dépourvues de moyens et de l'essentiel des redistribution (partielles) issues des amendes. elles ne peuvent compter que sur la DetR.
or, selon le Cerema et l'association française de génie civil citées dans le rapport(3), le coût d'une visite initiale sommaire varie de 2000 à 5000€ par pont. Une inspection détaillée de 3000 à 15000€ ! Cela sans les « extras » : inspection subaquatique ou usage de nacelles.
Depuis la loi de finances 2014 votée le 29 décembre 2013 et la suppression de l'assistance technique de l'etat pour raisons de solidarité et d'aménagement du territoire aurapavant exercé via les Directions Départementales des territoires (DDt), tout ceci se facture : DDt, Cerema et Ifsttar étant gérés comme des prestataires, et considérés comme des « centres de profit » !
Pendant ce temps, la ministre des transports a an- noncé cet été la réduction progressive du rembour- sement partiel de la tICPe du gazole pour les pro- fessionnels, accroissant de fait les recettes fiscales pour l'etat, tout en transférant de nouvelles compé- tences aux intercommunalités, sans mettre en place les financements correspondants.
J-Ph.Pastre
  18 - MobILItéS MaGazIne 29 - SEpTEMBrE 2019
1) Source Union routière de France Faits et chiffres 2018, données 2017.
2) Ecoutez à ce sujet l'émission Secret d'infos diffusée par France Inter le 7 juillet 2019. https://www.franceinter.fr/emissions/secrets-d-info/secrets-d-info-07-juillet-2019 3) rapport d’information sur l’état des ponts en France. Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, 26 juin 2019.
 
















































































   16   17   18   19   20