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 CAMPAGNES SANITAIRES TOUCHE PAS À MON SPOT
  Interview
  de la mauvaise alimentation, notamment sur le regard de l’autre, d’autres les conséquences pour la santé. Ont également été comparés les messages positifs montrant les avantages d’une bonne alimenta- tion et les messages négatifs qui insistent sur les risques.
POUR PROMOUVOIR, L’ARGUMENT SOCIAL FONCTIONNE MIEUX À l’issue de la présentation de ces messages, les collégiens ont été interrogés sur leur intention de modifier ou non leur comporte- ment alimentaire et une petite récompense leur était offerte : au choix, une barre de céréales ou une barre chocolatée. Résultat : 65 % des enfants qui avaient vu l’affiche comportant un argument social avaient choisi la récompense la plus saine (la barre de céréales, donc), contre 55 % de ceux qui avaient vu l’argument santé, et 62 % de ceux qui n’avaient été sou- mis à aucun message. « L’argument social semble mieux fonctionner avec une orientation de promotion car c’est moins stigmatisant, explique Carolina Werle. Alors que l’argument santé fonctionne mieux quand il présente les risques. » Cer- tains messages positifs se prêtent plus à certains sujets, de type “manger-bouger” (lire aussi l’en-
cadré page de gauche), ou pour la santé sexuelle.
OBJECTIFS CHIFFRÉS
Parmi les campagnes souvent citées comme exemple de réussite, celle de l’Assurance maladie sur les anti- biotiques. « Cette campagne avait intégré l’ensemble des facteurs de réussite, estime Geneviève Chapuis en charge des campagnes de pré- vention à la direction de la com- munication de la Caisse nationale d’Assurance maladie. En effet, elle s’était inscrite dans la durée car, sur des thématiques de santé publique, il faut pouvoir répéter les messages, d’autant que ce ne sont pas toujours des sujets simples. En outre, cette campagne a été en réalité un élé- ment d’un tout car d’autres leviers ont été utilisés. Celui qui a été par- ticulièrement efficace est le recours par les médecins au test de dépistage rapide qui permet de savoir si une infection est virale ou bactérienne. C’est un instrument de dialogue avec le patient très utile au généra- liste pour lui éviter de prescrire des antibiotiques. Dans ce contexte, la campagne de communication per- met de rendre la discussion encore plus facile. D’où l’importance aussi de construire les messages dans la concertation avec les professionnels de santé afin qu’ils soient homo- gènes et puissent être répétés. » « Quand l’Assurance maladie lance une campagne de prévention, c’est toujours avec des objectifs de santé publique précis et chiffrés en termes de morbi-mortalité notamment, explique le Dr François-Xavier Brouck, directeur des assurés à la Caisse nationale de l’Assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts). Ainsi, nous mesurons le nombre de boîtes, mais aussi les catégories d’antibiotiques pres- crits et d’autres indicateurs comme l’évolution de la résistance ■ ■ ■
Éric Breton, enseignant chercheur, titulaire
de la chaire “Promotion de la santé” à l’École des hautes études en santé publique (EHESP)
«Une stratégie essentielle aux retombées modestes »
Les campagnes de prévention sont-elles indispensables ? Oui car, dans un pays démocratique, on doit toujours expliquer aux gens les dangers et les risques. De manière générale, elles permettent de mettre sur la place publique des sujets qui n’étaient pas facilement abordés. Dans le même temps, on sait maintenant que ce sont les facteurs environnementaux
qui ont la part la plus importante dans les changements de comportement.
Peut-on évaluer les campagnes
de prévention, et de quelle manière ? On peut mesurer l’exposition
des personnes aux campagnes par
des sondages notamment. Mais
ce n’est pas parce qu’une campagne
a été vue que cela génère des changements de comportement.
Les effets sont en réalité très
modestes. L’autre difficulté est que
les campagnes de prévention peuvent accroître les inégalités de santé
car la facilité des individus à adopter
un comportement conseillé pour
la santé suit un gradient socio-culturel.
Dans ce cas vaut-il mieux “cibler” certaines populations ? C’est très compliqué car on prend aussi le risque de stigmatiser un groupe. Mais, depuis plusieurs années, on sait que la meilleure stratégie consiste à cibler tout le monde puis à ajuster les messages en fonction de groupes. C’est ce qu’on voit dans
la prévention du VIH. La difficulté est qu’on risque d’en manquer d’autres. ✜
MAI 2016 - N° 325 - L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE 31
© Agence Australie pour la Cnamts
DR






































































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