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Ville du quart d’heure et mobilité urbaine
« cité antique » ou du quartier médiéval, qui voyaient s’accumuler sur une surface relativement restreinte les habitations, les ateliers de fabrication, les commer- çants, voire les lieux de pouvoir. Elle porte toutefois en elle-même ses limites. Car on parle ici de deux époques où la mobilité se résumait pour l’essentiel en l’usage de la marche à pied, voire des chevaux pour les plus fortunés. Depuis le XIXe siècle, l’essor de nos sociétés s’est accompagné du développement de multiples outils de mobilité, comme des distances facilement franchissables. Le développement du moteur à explosion (automobiles, deux- roues, poids-lourds, bus, cars, etc.) et la maîtrise de l’énergie électrique (train, tram, trolley, etc.), parallèlement à un accrois- sement de la population, ont abouti à l’éta- lement des zones urbaines, tout en rendant « vivable » l’idée de déplacements mul- tiples pour vaquer aux diverses occupa- tions qui composent la vie du citadin ou
de l’habitant des zones périurbaines. Problème, cette évolution s’est aussi accompagnée, ces vingt dernières années, d’une très importante « gentrification » de la plupart des centres-villes de grandes agglomérations. Le prix de l’immobilier qui résulte de cette évolution a donc chassé des centres les catégories de population les moins aisées (ce qui met de fait à mal l’idée de mixité). Avec pour elles, un net accroissement des distances nécessai- rement parcourues au quotidien pour vaquer à ses occupations et donc du temps passé dans les transports. Des systèmes de transport qui se sont donc fortement développés, qu’ils soient collectifs ou indi- viduels, mais qui, aujourd’hui, tout en souf- frant de saturations chroniques dans nom- bre d’agglomérations, se révèlent dévo- reurs d’espaces, mais aussi d’investisse- ments et de frais de fonctionnement.
On le comprend finalement assez vite, l’application stricte du concept de « ville
du quart d’heure » réclamerait avant tout une reconstruction (et donc une destruc- tion préalable) des agglomérations exis- tantes, qui pourraient dès lors être redes- sinées sous la forme d’une juxtaposition d’îlots de vie quasi-autonomes les uns par rapport aux autres. Se poserait toutefois la problématique des infrastructures d’ap- provisionnement de ces différents îlots, comme de l’obligation (réglementaire ?) de contenir les prix de l’immobilier dans un certain nombre de limites supportables pour toutes les populations destinées à cohabiter. Des principes imposés, de prime abord assez peu compatibles avec l’esprit démocratique qui anime un pays comme la France.
Du concept à quelle réalité ?
Les adeptes de ce concept déjà vieux de plus de six ans ont-ils pour autant commencé sa mise en application ? Sans aller jusque-là, le principe est dans l’air
MOBILITÉS MAGAZINE 68 - JUIN 2023 49
© Céline-Orsingher