Page 36 - MOBILITES MAGAZINE N10
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Politiques & institutions
nouvelle Aubagne- Toulon de la LN-PCA !
Marche forcée pour accroître la « robustesse » du réseau En dépit de son importance pour le trafic, puisqu’il représente à lui seul 58% du total des voyageurs/ km hors Eurostar, les LGV ne tota- lisent pourtant que 9% du kilo- métrage du réseau. Et il est spé- cialisé dans les trafics voyageurs à longue distance(6), des relations dans lesquelles les parcours do- micile-travail/études et les autres voyages professionnels restent mi- noritaires, avec seulement un peu plus du tiers de la clientèle. C’est le réseau existant qui reste le do- maine essentiel de ces « trains du quotidien », aujourd’hui tant mis en avant dans les discours offi- ciels.
Aussi, son renouvellement et sa modernisation sont une priorité stratégique. D’autant que ses fra- gilités ont été pointées par les deux audits successifs des experts helvétiques de l’Ecole Polytech- nique Fédérale de Lausanne.
En 2007 l’Audit Rivier avait dé- montré l’état de dégradation très accentuée de nombreuses lignes régionales. En 2012, l’Audit Putallaz a mis en lumière l’état - jugé tout aussi alarmant - de la plupart des grands axes structurants du réseau ferré classique. Selon ce travail, la maintenance, le renouvellement et la modernisation auraient été trop longtemps délaissés au profit du développement des lignes à grande vitesse. Il concluait : « le vieillissement touche la moitié du kilométrage du réseau, la totalité des ouvrages d’art et certaines installations de signalisation ». Pour ne citer qu’un exemple mar- quant, l’âge moyen des aiguillages sur le réseau ferré français attein- drait plus de vingt ans, alors qu’il serait de dix ans en Allemagne...
Elisabeth Borne, ministre déléguée aux Transports : “un groupe de travail commun sera mis en place afin de réfléchir pour les deux LGV [sur la base] d’une étude menée par la Région.”
Edouard Philippe, Premier ministre : “il faut doter l’Etat d’une stratégie claire pour renforcer les transports ferroviaires.”
En 2013, quelques mois après la publication du second audit, Réseau Ferré de France lançait un Grand Plan de Modernisation du Réseau (GPMR) qui consistait en investis- sements massifs de renouvelle- ment pour un montant de 15 mil- liards d’euros jusqu’en 2019. Après la réforme ferroviaire et la réunifi- cation RFF-SNCF, la démarche a été reprise par SNCF Réseau, nou- veau gestionnaire des infrastruc- tures ferroviaires.
Dans le « Contrat de performance » Etat-SNCF signé le 20 avril 2017, les investissements de mainte- nance, de renouvellement et de modernisation du réseau totalisent 46 milliards d’euros durant les dix années à venir.
L’objectif final serait d’accroître la « robustesse » du réseau. Autre- ment dit « la capacité à réaliser les services promis aux clients », explique le rapport d’un Comité international d’experts(7), adressé en juillet 2017 à Guillaume Pepy, président du Directoire de la SNCF et de SNCF Mobilités, et à Patrick Jeantet, président-délégué du Di- rectoire de SNCF et de SNCF Ré- seau, qui l’avaient mandaté.
L’Etat stratège...
Priorité aux « trains du quotidien » et complémentarité des modes dans la chaîne de transport. C’est le cœur de la « nouvelle politique de mobilité » annoncée le 21 sep- tembre par Elisabeth Borne, durant les Assises nationales de la mobilité. L’objectif est « de proposer des mobilités pour tous et dans tous les territoires en organisant une offre de transport qui tire parti des ressources de chaque mode ». En s’efforçant de « mieux les connecter entre elles, assurer de meilleures correspondances, sys- tématiser les rabattements vers les modes lourds ».
Aussi, « il faut doter l’Etat d’une
stratégie claire pour renforcer les transports ferroviaires », a précisé le Premier ministre, Edouard Phi- lippe, en lançant le débat.
Reste à connaître la place que l’Etat « stratège ferroviaire », fonc- tion particulièrement mise en avant depuis la réforme de 2014, donnera concrètement à ces modes « lourds ». Le Conseil d’Orientation des Infrastructures prépare la « loi de programmation et de finance- ment des infrastructures ». C’est elle qui « fixera les investissements à réaliser de manière détaillée sur cinq ans et indicative sur dix ans»...z
MIChEL ChLasTaCz
1 Comme la région Pays de la Loire qui veut desservir le (toujours hypothé- tique) aéroport de Notre-Dame-des- Landes avec la construction d’un contournement autoroutier à l’ouest de Nantes et la création d’un nouveau pont sur la Loire ...
2 Seule, la LGV Rhin-Rhône ébauche une transversale en partie à grande vitesse sur le parcours Strasbourg-Lyon. En mettant bout à bout la ligne Strasbourg-Mulhouse parcourable à 200 km/h, la LGV et les sections de grandes lignes du réseau classique parcourables à 160 km/h.
3 En réponse aux propos du Président de la République lors de l’inauguration de la LGV Bretagne-Pays de la Loire, Carole Delga avait mis en regard les sept milliards d’euros du coût de la LGV Bordeaux-Toulouse avec les 25 milliards d’euros du métro du « Grand Paris Express » !
4 Perpignan-Barcelone est une LGV mixte voyageurs et fret comme le sera la LGV de Contournement Nîmes- Montpellier. Puis la LGV ou la « ligne nouvelle » Montpellier-Narbonne- Perpignan.
5 Amorcée avant-guerre avec les
« direttisimes » Rome-Naples et Bologne-Florence, la démarche a été relancée en 1978 avec la première section de Rome-Florence, première ligne européenne parcourable
à 250 km/h.
6 Dans la nomenclature ministérielle, le concept de ligne nouvelle s’applique au projet Roissy-Picardie qui ne vise pas des vitesses élevées mais propose des liaisons régionales rapides avec le réseau LGV et avec l’aéroport.
7 «A la reconquête de la robustesse des services ferroviaires », 2 juillet 2017. Un rapport qui mérite une analyse et des commentaires plus approfondis...
36 - MobiLités MAgAzine 10 - DECEMBRE 2017