Page 46 - MOBILITES MAGAZINE n°27
P. 46

                 Politiques & institutions
cycle de vie, ou leur performance en matière de sécurité ou de rapi- dité n’était plus suffisante (comme au Danemark et en Belgique, ce qui explique l’avancement de ces deux réseaux, NDLR.). Selon les parties prenantes interrogées, l’ob- solescence des systèmes de si- gnalisation nationaux finira par en- traîner le déploiement global de l’ERTMS ».
Une obsolescence qui peut toucher aussi... les premiers équipements ERTMS ! En Italie et en Espagne, on totalise ainsi 366 km et 1049 km de lignes à grande vitesse équipées de versions anciennes,
qui devraient être remises à ni- veau.
La France, marginalisation et appropriation nationale
La France serait-elle l’oubliée des corridors paneuropéens et des pro- jets ERTMS ? En effet, hors la LGV Est et les récentes LGV Sud-Eu- rope-Atlantique et Bretagne-Pays de la Loire équipées d’origine ERTMS 2 - équipements non utilisés comme on l’a vu -, la signalisation européenne se concentre en France sur des sections du corridor pan- européen : Anvers-Metz-Stras- bourg-Bâle-Milan-Gênes.
W
Signalisation ERTM.
« Le manque français d’appétence pour l’ERTMS est aussi lié au fait que les équipements actuels no- tamment le KVB avec ses balises de contrôle de vitesse sont très performants », explique Luc Ala- dière, conseiller pour les Affaires européennes à la Fédération des Industries Ferroviaires (FIF). Aussi, à moyen terme, les projets d’im- plantation se limitent à la LGV Pa- ris-Lyon et à la ligne classique Marseille-Vintimille, « deux opé- rations destinées essentiellement à renforcer la capacité de ces lignes et non à favoriser l’interopérabi- lité », ajoute-t-il. Une sorte « d’ap- propriation nationale » du système que l’on retrouve avec nExTEO, véritable dérivé de l’ERTMS en version banlieue et qui sera installé sur le prolongement souterrain du RER E dès 2023.
La France n’et pas isolée dans cette démarche : « en Allemagne, il est difficile pour le gestionnaire de l’infrastructure de justifier le déploiement de l’ERTMS sur le plan économique, étant donné qu’il existe déjà deux systèmes per- formants : LZB et PZB. Même ar- gument en Grande-Bretagne, qui est une île où aucun trafic inter- national n’est enregistré de manière conséquente en dehors d’Eurostar, et où le système national (mo- dernisé à grands frais après les accidents à répétition d’il y a vingt ans, NDLR.) suffit à une sécurité maximale ».
L’Europe, l’Europe, l’Europe...
L’ERTMS reste ainsi, selon l’expres- sion désabusée d’un ancien res- ponsable SnCF, la signalisation eu- ropéenne d’avenir... depuis vingt ans ! Ce qui amène à penser que la question serait essentiellement politique. Puisque l’ERTMS peut rétrospectivement apparaître comme la partie technique de la mise en œuvre depuis plus de
    LA BETUWELIJN, IMAGE D’UNE DOUBLE IMPASSE ?
C’aurait pu être un exemple démontrant l’intérêt de l’ERTMS et des corridors transfrontaliers paneuropéens équipés de cette signalisation. aujourd’hui on serait enclin à penser qu’il s’agit d’un véritable contre-exemple. la ligne dite de la Betuwe (Betuwelijn en néerlandais) a été mise en service sur 160 km en 2007 à entre le port de Rotterdam et zevenaar à quelques kilomètres de la frontière entre les Pays-Bas et l’allemagne. l’objectif était de mettre en place un corridor fret à haut débit (mais aussi éventuellement voyageurs) entre le Bassin de la Ruhr et le plus grand port d’Europe.
Comme l’explique Harry Hondius, consultant belge et spécialiste des chemins de fer et des tramways, « cette ligne a finalement abouti à une double impasse. Géographique, puisqu’elle ne se prolonge pas en Allemagne en dépit du projet d’origine. Et technique en raison du fait que l’ERTMS n’a pas été installé sur les lignes allemandes correspondantes ce qui a amené à équiper les locomotives de l’ETTMS plus du LZB allemand. S’ajoute le choix curieux de la tension de 25 kV 50 Hz en dépit du fait que le trafic est essentiellement en provenance ou en direction de l’Allemagne ou transite via l’Allemagne dont le réseau est équipé en 15 kV-16 2/3. Ce qui oblige à utiliser des locomotives bi-courants voire tri-courants puisque la tension utilisée aux Pays-Bas est le 1,5 KV continu ».
1) Voire à l’intérieur des réseaux. En France, outre la signalisation des Lignes à Grande Vitesse (TVM 430) dont trois sont également équipée de l’ERTMS, il existe deux types de blocks automatiques (BAL et BAPR) et un type « unifié » de Block Manuel. Alors que des tronçons de lignes restent encore équipés de systèmes de signalisation datant des anciens réseaux d’avant la SnCF ! 2) En Italie l’utilisation variait de 19% à 65% des trains selon les lignes équipées et en Pologne le tiers des 650 km des lignes équipées était désactivé. En France la LGV-Est équipée d’origine ne fonctionnait qu’avec la TVM 430.
  46 - MoBIlITéS MagazInE 27 - JUIn 2019
 

















































































   44   45   46   47   48