Page 11 - MOBILITES MAGAZINE N°33
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                 tPOLITIQUE/économie
          contexte environnemental et la question du pouvoir d’achat apparue avec les Gilets Jaunes pèsent éga- lement dans le choix de cette me- sure. « L’idée des élus est de mettre en œuvre une mesure plus radicale qui va permettre de faire changer les comportements ». C’est d’ailleurs cette carte du choc psychologique qu’à joué Dunkerque en déployant la gratuité des transports publics.
Les freins de la gratuité
reste que prendre une telle décision n’est pas sans conséquence et doit
être bien pesée. Car les enjeux vont différer selon qu’il s’agisse
d’un réseau où le taux de couver-
ture des dépenses par les recettes commerciale s’établit à 10% ou 40%. ainsi à Lyon, le Sytral dit
de pas pouvoir se passer des
265 M€/an de recettes issues de
la vente des titres. Le cas échéant, l’autorité organisatrice serait contrainte de limiter ces investis- sements pour développer le réseau urbain. Pour Maxime Huré, le prin- cipal frein est d’ordre technique.
« La gratuité dans les grands ré- seaux est plus compliquée à mettre
en œuvre du fait de la saturation
des lignes. Conséquences : tout le monde ne pourra pas prendre les transports collectifs et la hausse
de la fréquentation ne sera pas aussi importante ». Pire, si la qualité
de service (notamment des condi- tions de confort) se dégrade, les habitants risquent de reprendre
leur voiture. « Dans ce cas-là, la gratuité aura un effet contre-pro- ductif ». C’est pourquoi les grandes agglomérations s’orienteraient vers
une gratuité partielle, instaurée le week-end. « Cette mesure est en- visagée par les maires sortants de Nantes, rennes, Grenoble et Cler- mont-Ferrand », affirme Maxime Huré. L’intérêt d’instaurer une telle mesure le week-end permettrait d’absorber les surplus de fréquen- tation du fait de la diminution du u
 LA FNAUT ET L’UTP
FONT CAUSE COMMUNE CONTRE LA GRATUITÉ
Dans une position commune publiée en janvier 2014, la Fédération nationales des associations d’usagers du transport (FNAUT) et l’Union des transports publics (UTP) ont développé un argumentaire en dix points pour rejeter la gratuité des transports publics.
1. la gratuité n’existe pas. Dans la mesure où la contribution des employeurs est plafonnée, c’est celle des contribuables qui augmentera substantiellement avec la décision de mettre en place la gratuité d’un réseau de transport public.
2. la gratuité totale n’est pas compatible avec l’évolution contrainte des finances publiques. Ce sont les budgets des autorités organisatrices qui seront mis à contribution pour financer l’offre de transport public compte tenu du ralentissement du produit du versement mobilité, la réduction des dotations de l’état et le tassement des revenus de la fiscalité.
3. la gratuité totale n’est pas favorable au développement de l’offre de transport public. la demande de transport public et de qualité de service nécessite de mobiliser chaque année de plus en plus de moyens pour financer le service et investir dans son développement. or la gratuité réduit les marges de manœuvres pour le faire évoluer durablement
4. la gratuité totale singularise les transports par rapports aux autres services publics. la question de la gratuité de l’eau, de l’électricité, du gaz, des services postaux, des cantines scolaires ne fait jamais débat. Ces services sont tout aussi essentiels que les transports publics. il n’existe donc aucune raison objective de singulariser ces derniers.
5. la gratuité totale n’est pas la meilleure forme d’équité sociale. les réseaux de transport public proposent des tarifications spécifiques pour les populations fragiles et les font évoluer pour mieux correspondre aux nouvelles précarités sociales. la tarification solidaire basée sur les ressources du foyer garantit des tarifs adaptés à la capacité contributive des voyageurs. 6. la gratuité totale n’est pas favorable au développement durable. aucune étude n’a démontré que la gratuité totale du transport urbain encourageait un report modal massif et durable de la voiture particulière vers les transports publics. en revanche elle peut favoriser le report modal de la marche vers le transport urbain. par ailleurs, la gratuité peut favoriser l’étalement urbain et encourager les localisations résidentielles ou d’activités de plus en plus éloignées des centres-villes
7. la gratuité peut altérer la perception de la valeur de service. la perte de repère que constitue l’absence de tarif pour un service qui a pourtant un coût de production élevé en altère la perception. une dégradation dans la prise en considération des personnels et des matériels risque donc d’être constatée dans certains réseaux de transports publics gratuits
8. la gratuité n’est pas compatible avec le modèle économique de notre secteur. les recettes générées par les affiches publicitaires en station ou sur les autobus sont extrêmement faibles dans les réseaux tandis que sauf exception les coûts de distribution et de contrôle des titres sont sans rapport avec les recettes qui en découlent.
9. la gratuité n’est pas une demande des utilisateurs des transports publics. les attentes des voyageurs concernent avant tout des transports publics sûrs, de qualité, pérennes et fiables. Ces derniers ne sont pas favorables à la gratuité que la fnaut qualifie de « fausse bonne idée ».
10. la gratuité est difficilement réversible. une fois mise en place, il est extrêmement difficile de revenir sur la gratuité et ce quels que soient les projets de développement du réseau.
 Mobilités Magazine 33 - Janvier 2020 - 11





































































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