Page 33 - MOBILITES MAGAZINE N°14
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TanT mis avanT
des projets issus de la réunification allemande comme au profit de l’ensemble du réseau ferré(6). Un réseau et une entreprise ferroviaire historique qui avaient été préalablement et totalement dé- lestés par l’Etat fédéral d’une dette rien moins que colossale. Puisqu’en 1994, elle totalisait l’équi- valent de 37 milliards d’euros ! Une réalité financière qu’il convient opportunément de rap- peler en comparaison de la situation française où la dette du système ferroviaire - qui est essen- tiellement une dette de l’Etat, faut-il le rappeler sans relâche - fait toujours question. Pourtant, considérée un quart de siècle plus tard, elle est finalement moins élevée que celle de l’Allemagne de 1994 ! Et sans oublier que loin de fermer des lignes régionales, l’Allemagne, depuis vingt ans, en a rouvert plus de 500 km...
1 Comment alors expliquer que les transports urbains allemands soient beaucoup plus développés qu’en France ? Puisqu’à la différence des nôtres, ouverts à la concurrence grâce au système de délégation de service public, ils sont en Allemagne fermés - voire hermétiques - à toute concurrence. En raison du monopole des
« Stadtwerke », les entreprises municipales qui associent assainissement, fournitures d’eau, d’électricité, de gaz, de chauffage urbain et de transports.
2 Côté grandes lignes, la SNCF ne comptabilise pas les retards au dessous de quatorze minutes et de cinq minutes pour les trains régionaux et de banlieue. Alors que la DB reste fixée à l’horaire strict à deux ou trois minutes près. Pourtant, en 2013, le taux de retard des trains régionaux s’élevait à 5,1 % pour l’opérateur historique allemand contre 10,5 % pour la SNCF. Avec, en France, des écarts régionaux allant de 4,8 % en Alsace à ... 22,7 % en PACA !
3 Soit 11,4 km/100 km2 et 4,91 km/100 000 habitants en Allemagne. Contre 5,3 km/100 km2 et 4,46 km/100 000 habitants en France.
4 En France, après la disparition des chemins de fer départementaux, ne subsistent aujourd’hui que les CFC corses, les Chemins de fer de Provence et la ligne Salbris – Romorantin. Soit 450 km de lignes à voie métrique, plus 99 km de même écartement exploités par la SNCF
(« Train jaune » de Cerdagne et Saint-Gervais – vallorcine). Hors SNCF, on peut ajouter le RER-RATP (75 km) et la ligne Carhaix – Guingamp – Paimpol du Réseau breton (89 km).
5 Elle inclue celle des « S-Bahnen », comparables à notre RER. Si chez nous seule l’Île-de-France dispose d’un RER, quatorze agglomérations allemandes bénéficient d’un réseau S-Bahn.
6 Plus de 17 milliards d’euros auront été investis pour remettre à niveau le réseau de l’ex-Allemagne de l’Est grâce programme de l’ «Unité allemande ». S’ajoutent 37,5 milliards d’euros dépensés de 1996 à 2000 au profit des infrastructures et des matériels et de la construction de sections de lignes à grande vitesse dans l’ensemble du pays !
analyse/ Ferroviaire t
parer la concurrence et non la subir ». Durant l’été 2017, l’asso- ciation a audité de très nombreux acteurs du ferroviaire, qu’il s’agisse d’exploitants (existants et candidats éventuels), d’autorités de régula- tion, de gestionnaires d’infrastruc- tures, d’organisations syndicales et d’associations d’usagers. Entre- tiens qui ont aidé à la formulation des recommandations.
Alors que les décisions gouverne- mentales sur l’ouverture à la concurrence sont attendues en ce mois d’avril, deux rapports chocs ont apporté du grain à moudre au débat. Le premier, émanent du Comité d’Orientation des infra- structures (COi), a été présenté le 1er février par son président Philippe Duron. Le second a été remis le 16 février par Jean-Cyril Spinetta. L’ancien patron d’Air France avait, le 16 octobre 2017, été chargé par Elisabeth Borne, ministre chargée des Transports, d’une mission de réflexion sur le « modèle du trans- port ferroviaire » à partir de trois principaux « chantiers » à entre- prendre. La « redéfinition d’une stratégie de desserte [...] à l’hori- zon 2030. La remise à plat du modèle économique et financier du système ferroviaire. La prépa- ration d‘une « mise en œuvre réussie de l’ouverture à la concur- rence ».
Le premier rapport, qui est offi- ciellement destiné à une sorte
de remise en ordre des projets d’infrastructures (sous forme de « Comité de la hache » diraient ses -nombreux - détracteurs) n’aborde pas directement la ques- tion de la concurrence. Alors que le second met quasiment « le fer dans la plaie ». Et bien au-delà de la seule ouverture à la concurrence. Puisque les statuts de la SNCF et des cheminots, comme le péri- mètre du réseau, sont dans sa ligne de mire...
Le rapport Spinetta relance- t-il une sorte de « Plan Guillaumat » ?
La remise officielle au Premier mi- nistre du rapport de Jean-Cyril Spi- netta aurait été décalée dans le temps pour ne pas « entrer en collision » avec celui du COi. Tant sa lecture attentive amène à penser qu’une mise en œuvre intégrale et point par point des mesures qu’il préconise ferait l’effet d’un « tremblement de fer » qui bou- leverserait le système ferroviaire. Moins de quatre ans après une ré- forme alors présentée comme « historique ». Au-delà d’un aban- don de fait de nombreux éléments de cette réforme qui n’aura été qu’un épisode, on a surtout l’im- pression que les propositions de Jean-Cyril Spinetta conduisent à la liquidation de l’héritage historique issu de la création de la SNCF. Sans hésiter à prendre le risque
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