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                 AlaUne
 2 QUEL GAIN EN TERME DE VIES HUMAINES ?
  Le discours « au nom de notre sécurité » est extrêmement prégnant dans notre société
contemporaine, qu'il s'agisse de circulation routière, d'achat de biens courants, de contrôle d'accès ou de surveillance de nos communi- cations. Nous avons interrogé les
Préfectures de la Drôme et de la Haute-Saône, départements où ont été menées les expérimentations du 80 km/h depuis 2015 sur des tronçons des Nationales 7 et 57. A notre grande surprise, aucun bilan n'a été dévoilé, les services de communication se contentant de
nous renvoyer au ministère de l'in- térieur, qui répond « qu'il n'y a pas encore eu de bilan de l'expérimen- tation ». Dans son communiqué de presse daté du 9 janvier dernier, le gouvernement annonce pourtant «sauver300à400viesparan» grâce à cette seule mesure...
 3 SUR QUELLE BASE SE FONDENT LES TENANTS DE LA RÉDUCTION DE LA VITESSE ?
  2 Voir http://portal.research.lu .se/ws/files/4394446/ 1693353.pdf. Quelques anomalies statistiques y apparaissent toutefois : la linéarité du nombre d'accidents en fonction de la vitesse constatée n'est pas évidente (voir tableau 27 page 70, tableau 28 page 72, tableau 30 page 77).
3 IFSTTAR : Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, de l'Aménagement et des Réseaux.
4 Statistiques et Société Volume 4, numéro 1 de mai 2016. 5 ECPA:enquêtes Comprendre Pour Agir. Pilotées par les Préfectures, en marge de toute démarche pénale, elles devaient associer différents intervenants départementaux de sécurité routière (bénévoles), afin de comprendre l'origine et le déroulement d'accidents mortels. Depuis le recentrage de la politique de sécurité routière sous la houlette du seul ministère de l'Intérieur, elles ont perdu leur aspect pluridisciplinaire et ont été, de fait, abandonnées.
il y a tout d'abord une évidence physique : l'énergie cinétique s'accroissant proportionnelle- ment comme le carré de la vitesse, c'est un facteur considérablement aggravant en cas de choc (en clair : lorsque la vitesse double, l'énergie accumulée a quadruplé), et cela s'aggrave avec la masse initiale du véhicule. La base doctrinaire repose principalement sur les tra- vaux du Suédois Göran Nilsson, et sa thèse présentée à la Lunds Uni- versitet, intitulée Modélisation di- mensionnelle de la sécurité routière, effet de la vitesse sur la sécurité 2004(2).. Göran Nilsson indique aussi que la base empirique de son mo- dèle repose sur les changements de limitations de vitesse en Suède, intervenus à la fin des années 60 et au début des années 70. Ces résultats, pour valides qu'ils fussent en 1977 (année de l'étude initiale de Göran Nilsson sur ce sujet), mé- riteraient d'être réétudiés à l'aune des progrès de sécurité passive des véhicules. Jean Sivardière, vice- président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), avance pour sa
part que « +1% en vitesse accroît les tués de +4%, et que cette loi empirique ne se démontre pas ». Certains auteurs comme Bernard Laumon de l'iFSTTAr( 3) dans Sta- tistique et Société(4), osent : « on peut affirmer que la part des acci- dents mortels imputables à l’alcool est restée constante au cours de la décennie 1998-2007, donc que leur nombre a diminué dans les mêmes proportions que le nombre total d’accidents mortels. Une pre- mière explication pourrait évidem- ment résider dans une réduction marquée de la prévalence des al- coolémies illégales chez les conduc- teurs circulants. Or, on n’a rien constaté de tel. Ce n’est pas non plus une réduction des alcoolémies illégales les plus élevées au profit d’alcoolémies plus proches du seuil légal qui peut expliquer la réduction du nombre d’accidents imputables à l’alcool. Une ultime explication peut être recherchée dans la ré- duction généralisée des vitesses pratiquées à travers le “succès” du contrôle-sanction automatisé des vitesses de circulation. En quoi ces réductions de vitesse contribue-
raient-elles à réduire les accidents imputables à l’alcool ? Tout sim- plement, parce qu’un conducteur, qui réduit sa vitesse, réduit son risque d’accident dans les mêmes proportions, qu’il soit alcoolisé ou non. Ainsi, et en d’autres termes, la “meilleure” façon de réduire le nombre de victimes imputables à l’alcool, au cours de ces dernières années en France, aurait été de réduire les vitesses pratiquées ». Preuve par l'absurde du refus de distinguer la vitesse comme facteur causal ou aggravant. et ce ne sont pas les enquêtes de police ou de gendarmerie qui vont nous éclairer : le critère de renseignement est « vitesse excessive ». Pourtant, il y a une réelle différence de signi- fication entre vitesse inadaptée et excès de vitesse (au sens régle- mentaire). Ceci permet de sur-va- loriser statistiquement le facteur vitesse. Cela est d'autant plus facile que les dispositifs d'analyse d'ac- cidents, comme les enquêtes réagir créées en 1982, remplacées en 2004 par les enquêtes eCPA(5), sont tombées en désuétude, faute de volonté politique...
 12 - Mobilités Magazine 12 - Février 2018
 




















































































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