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OuTiL ÉCOnOMiQuE pOuR LE QuÉbEC: L’AChAT LOCAL EsT MEnACÉ
Nathalie st-pierre
vice-présidente,
développement durable et Québec
Conseil canadien du commerce de détail
nst-pierre@cccd-rcc.org
Collaboration spéciale
en janvier de cette année, le conseil du patronat du Québec nous rappelait « qu’il ne faudrait pas négliger l’im- portance d’un geste simple, concret et à la portée de tous pour contribuer à rehausser collectivement la pros- périté du Québec : l’achat local ! [...] si, en moyenne, 20 $ par citoyen étaient dépensés de plus par semaine pour des biens et services d’origine québé- coise, l’impact pourrait contribuer à un accroissement de l’activité économique au Québec de plus de 2 % par année et créer jusqu’à près de 100 000 emplois.
mais l’achat local fait face à une menace. à l’heure actuelle, si un consommateur québécois effectue un achat en ligne sur le site d’un com- merce hors canada et que l’achat est de moins de 20$, il ne paie pas de droits de douane ou de taxes de vente. c’est qu’on appelle le seuil de minimis. Le terme est dérivé d’une maxime juridique, de minimis non curat lex qui signifie que la loi ne s’occupe pas des petites affaires. en d’autres termes, en bas de 20 $, il n’est pas intéressant pour
l’État de dépenser temps et argent pour récupérer quelques dollars de taxes.
imaginez maintenant l’impact sur nos détaillants si ce seuil était haussé ! Les commerçants en ligne et les ser- vices de messagerie américains font du lobbying auprès du gouvernement canadien pour faire passer le seuil de minimis de 20 à 200$ (ou 80$ dans la « demande » d’eBay). ils demandent que tout article coûtant moins de 200 $ puisse être expédié au canada sans taxes de vente ni frais de douane.
est-ce nos détaillants pourraient arrêter de percevoir les taxes de vente ou de payer des frais de douanes pour ce qu’ils vendent ici pour rétablir l’équi- libre ? Bien sûr que non !
un avantage injuste accordé aux commerçants américains en ligne
ce que ça signifie ? un avantage accordé aux commerçants américains de près de 15% par rapport au prix chargé au client (l’équivalent des taxes) et un autre pour les frais de douanes. n’oubliez pas non plus que ce seuil de 200 $ s’appliquerait par achat et donc que rien n’empêcherait le consommateur d’effectuer plusieurs achats de 200 $ en une seule journée.
on le comprend, un citoyen qui dépense 20 $ de plus par semaine pour des biens et des services d’ici contribue à l’accroissement de notre activité économique. mais s’il achète davantage aux États-unis, et qu’ils
soient nombreux à le faire, que pensez- vous qu’il arrivera ?
un ralentissement de notre économie et moins de revenus pour l’État
puisqu’elles coûtent en général moins de 200$ et qu’ils peuvent être livrés sans difficulté, les ventes au Québec d’articles vestimentaires, de chaus- sures, de jouets, les biens électroniques et les articles ménagers seraient certainement affectées.
ce qui serait mauvais pour les détaillants le serait également pour nos deux paliers de gouvernement. il est difficile de quantifier les déplacements d’achats vers les États-unis à la suite d’une hausse du seuil de minimis, mais il est évident qu’il y en aurait. chaque 1% de ventes perdues à cause des changements de comportement des consommateurs équivaudrait à une baisse des revenus de 18,7 millions de dollars pour le Québec. c’est un montant précieux pour l’État dans le contexte financier actuel.
nous ne sommes pas contre le commerce en ligne, au contraire ! mais nous voulons l’équité dans les règles et non que le gouvernement autorise un avantage fiscal à des commerçants en ligne et à des services de messagerie américains qui emploient peu de personnes chez nous, et cela au détriment d’employeurs québécois qui créent des emplois et une activité économique ici.
32 septemBre 2016 AQMAT MAgAzinE