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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
                  une mesure à partir de laquelle construire un monde habitable par
                  l’homme, c’est‑ à‑ dire un monde dont il puisse se saisir. D’autres
                  « empans », autrement dit d’autres mesures de référence, ont été
                  proposés dans l’Histoire, par les religions monothéistes d’abord et,
                  après la Renaissance, par la philosophie des Lumières avec l’émer‑
                  gence de l’idée de démocratie. Chacune de ces approches a proposé,
                  avec plus ou moins d’efficacité, un modèle du bonheur et de la
                  liberté. Aujourd’hui, les travaux de neurosciences nous confrontent
                  à une nouvelle forme d’empan : l’ouverture possible de notre cerveau
                  et la façon dont il peut se saisir d’objets cognitifs à condition que
                  ceux‑ ci soient présentés d’une certaine façon, exactement comme
                  notre main ne peut se saisir d’un objet que s’il lui est présenté de
                  manière correcte, on dit aujourd’hui « ergonomique ». L’empan
                  de notre cerveau définit, par exemple, les conditions favorables à
                  la mémorisation, les angles d’approche qui peuvent permettre de
                  s’emparer d’un nouvel objet d’étude, etc. De la même façon que
                  les dimensions du corps humain ont été érigées, à la Renaissance,
                  en repères pour la construction des bâtiments, ce que nous savons
                  aujourd’hui du cerveau devrait constituer les repères de la construc‑
                  tion d’organisations adaptées à l’être humain, à commencer par
                  celles dont la vocation est la diffusion des connaissances.
                    Enfin, un troisième jalon posé par Idriss Aberkane concerne
                  l’importance de l’hyper‑ individualité qu’il évoque sous le nom
                  d’« ego ». Bien que je préfère penser l’accomplissement de l’hyper‑
                  individualité en termes de « désir » plutôt que d’« ego », je le rejoins
                  sur sa conclusion : il n’y a pas d’ego excessif, il n’y a que des ego qui
                  savent se mettre au service de leurs projets et d’autres qui mettent
                  leurs projets à leur propre service. Le développement de l’ego
                    n’entraîne pas forcément le déni de l’alter ego. L’hyper‑ individualité
                  n’implique pas obligatoirement l’hyper‑ individualisme, et deux
                  individualités fortes sont susceptibles de s’enrichir mutuellement.
                  Autrement dit, les projets qui nous tiennent le plus à cœur sont
                  ceux qui nous permettent à la fois de nous épanouir et de nous
                  rendre utiles au monde, à condition toutefois que nous ne fassions
                  pas passer la réussite sociale du projet et les bénéfices secondaires
                  que nous pouvons en retirer avant le bonheur qu’il y a à le mener.
                  Un projet est comme un enfant que l’on aide à grandir, à s’épa‑
                  nouir et à se socialiser. De la même façon que les bons parents ne


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