Page 12 - 266687ILJ_CERVEAU_cs6_pc.indd
P. 12

MANIfESTE POUR UN CERVEAU LIBRE
                  sont pas ceux qui s’attribuent les mérites de leur progéniture mais
                  se réjouissent de leur succès, Idriss Aberkane invite les créateurs
                  de projets à ne pas s’attribuer à eux seuls tous les mérites de leur
                  réussite. Est‑ ce au passage un plaidoyer pour l’open source ? Je suis
                  tenté de le voir ainsi…
                    Ces trois fils rouges – il y en a d’autres que le lecteur décou‑
                  vrira – permettent à Idriss Aberkane de tisser un ouvrage qui n’est
                  jamais ennuyeux, d’autant plus qu’il est doté d’un remarquable
                  sens pédagogique. Ses comparaisons sont toujours éclairantes,
                  comme lorsqu’il évoque le gavage des oies pour dénoncer celui
                  des enfants par l’institution scolaire : de la même façon que les
                  malheureux volatiles développent un foie gras, autrement dit une
                  maladie hépatique, le gavage des élèves les mène droit au « cerveau
                  gras » ! L’image ne s’oublie pas…
                    J’avoue avoir parfois retrouvé dans l’enthousiasme d’Idriss Aber‑
                  kane pour les neurosciences l’équivalent de celui que j’ai moi‑ même
                  éprouvé jadis pour la psychanalyse, notamment dans le projet de
                  redonner à l’humain sa prééminence sur les organisations. Hélas, le
                  succès remporté par la psychanalyse l’a parfois transformée en un
                  système total d’explications selon un principe unique, c’est‑ à‑ dire
                  en idéologie. Et il s’est avéré que son organisation hiérarchique a eu
                  des conséquences catastrophiques quand l’attrait pour le freudisme
                  a conduit l’Université à s’en emparer. Le système ultra‑ hiérarchisé
                  de l’une a renforcé celui de l’autre, avec des effets ravageurs sur
                  l’ouverture d’esprit, la curiosité et l’impertinence qui avaient mar‑
                  qué les débuts de la psychanalyse. Jusqu’à ce qu’un nombre grandis‑
                  sant de psychanalystes, à l’intérieur d’écoles désignées ou en dehors
                  d’elles, rejoigne la communauté des chercheurs dans l’exigence de
                  fonder les pratiques thérapeutiques sur des preuves et non sur des
                  intuitions. Il était temps !
                    Idriss Aberkane, lui, nous rappelle sans cesse l’importance d’une
                  expérimentation libérée face aux certitudes établies, aux confor‑
                  mismes et aux hiérarchies nées des idéologies du passé. L’esprit
                  aliéné est son seul ennemi, et il s’oppose autant au scientisme ven‑
                  geur de ceux qui rêvent de remplacer un pouvoir médiatique par
                  un autre qu’à ceux qui prétendent faire de la validation scientifique
                  un fonds de commerce lucratif. En rappelant sans cesse que les sys‑
                  tèmes humains doivent s’adapter à ce que nous découvrons chaque


                                                                                 11








         266687ILJ_CERVEAU_cs6_pc.indd   11                                      02/09/2016   14:38:56
   7   8   9   10   11   12   13   14   15   16   17