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                                            La Tribune des travailleurs - No264 - Jeudi 12 novembre 2020
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  MAGAZINE
À écouter
En avant la musique !
Deux icônes du jazz et de la variété, un duo classique talentueux, des sons bienvenus pour adoucir cet automne de confinement.
8 femmes
Un film de François Ozon
Chérie 25,
vendredi 13 novembre, 21 h 05
Deuxième reprise cinématogra- phiée de la pièce de théâtre de Robert Thomas, créée en 1958, 8 femmes est un film « policier » :
dans un huis clos (une grande maison bourgeoise isolée par la neige), un meurtre a lieu et, fatalement, un des présents dans la maison est le coupable.
Ici, il s’agit de huit femmes. Et quelles femmes ! Interprétées par Catherine Deneuve, Fanny Ardant, Isabelle Huppert, Emmanuelle Béart, Danielle Darrieux, Virginie Ledoyen, Ludivine Sagnier, Firmine Richard, Dominique Lamure, elles chantent et dansent – modeste et sympathique clin d’œil à la comédie musicale –, et ont toutes de bonnes raisons d’avoir tué le maître de maison.
François Ozon, fin réalisateur, dirige avec doigté ces virtuoses de la comédie qui s’affrontent, s’accusant toutes mutuel- lement du meurtre, créant des rappro- chements et des disputes éphémères. Chausse-trappes, pans de vie honteux révélés, tous les ingrédients d’une plongée au vitriol dans des destins particuliers. Des actrices qui ne se prennent pas au sérieux et qui se caricaturent volontiers elles- mêmes. Un petit bijou. Et pour qui veut une soirée de détente, c’est l’idéal.
Ce film a reçu l’Ours d’argent de la meilleure contribution artistique pour sa distribution lors du Festival international
         Ils avaient déjà collaboré le temps d’un récital et récidivent aujourd’hui en célé- brant la mélodie française, genre magnifié par Berlioz et ses Nuits d’été. La soprano
Sabine Devieilhe, qui s’est illustrée dans Les Indes galantes de Rameau et Lakmé de Léo Delibes, retrouve le pianiste Alexandre Tharaud dans cet album. Leur Chanson d’amour forme une belle alliance autour d’œuvres de com- positeurs et de poètes majeurs du XIXe siècle. Verlaine (Sur l’herbe) côtoie Mallarmé (Appa- rition), Théodore de Banville (Nuit d’étoiles), Sully Prudhomme (Au bord de l’eau). Gabriel Fauré, Maurice Ravel, Claude Debussy les transcendent, remarquablement servis par ces deux interprètes inspirés.
Sabine Devieilhe, Alexandre Tharaud Chanson d’amour, CD Erato, 15,61 euros
Une vie saccagée par la misère de la Grande Dépression, les ravages de la drogue, la violence des hommes qui abusent d’elle et la brutalisent, la desti-
née de Billie Holiday ressemble à un mauvais mélo. Honnie, insultée, menacée pour son engagement contre le racisme, la dame qui
Par Géraldine Pinelli
chante le blues comme personne gagne l’en- gouement du public, soutenue par les musi- ciens qui l’accompagnent dont son ami Lester Young, surnommé « Prez » (le président). Les blessures, les failles, mais aussi les triomphes de la diva du jazz transparaissent dans le docu- mentaire de James Erskine, hélas retiré des écrans, confinement oblige... Sa bande origi- nale recense les titres les plus célèbres de Lady Day, son surnom. À découvrir ou réécouter, les fameux My Man, Don’t Explain, Fine and Mellow, Porgy et, à l’heure du mouvement Black Lives Matter, l’inoubliable Strange Fruit contre le lynchage et l’assassinat des Noirs aux États-Unis.
Billie The Original Soundtrack, CD, 16,99 euros
Longue dame brune bien avant Barbara, la « muse de Saint-Germain-des-Prés » n’est plus, mais son souvenir demeure vivace grâce à ses enregistrements sur
près de soixante-dix ans de carrière. Juliette Gréco devient célèbre dans les années cin- quante où elle déambule au Café de Flore ou au Tabou, boîte de jazz en vogue. Elle
y côtoie Sartre, Simone de Beauvoir, Boris Vian, entre autres. Le philosophe lui confie le texte de La Rue des Blancs-Manteaux mis en musique par Joseph Kosma. Raymond Queneau lui compose son premier grand succès, Si tu t’imagines. Elle interprète ensuite Prévert (Je suis comme je suis, Les Feuilles mortes), Léo Ferré (Jolie Môme, Paris canaille), Guy Béart (Il n’y a plus d’après) puis lance Serge Gainsbourg avec La Javanaise. Elle reprend L’Enfance de Jacques Brel, qui lui dédie Vieille, fredonnée avec malice, et Je suis bien. Cette grande séductrice, dont la liaison avec le musicien de jazz Miles Davis défraya la chronique, flirte aussi avec Hol- lywood et connaîtra une grande popularité avec le feuilleton télé Belphégor. Mais c’est sur scène que son magnétisme rayonne. Sa silhouette élégante, ses mains virevoltantes, ses yeux sombres soulignés d’eye-liner, son phrasé sensuel, en font, avec Piaf, une icône de la variété française saluée dans le monde entier.
Pour mémoire, l’album CD Je suis comme je suis et autres standards, 9,90 euros n
du film de Berlin 2002.
n
Didier Prat
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  Une réflexion profonde sur l’Amérique post-11 septembre 2001 Un roman de Stephen Markley
Ce premier roman du jeune auteur Stephen Markley, déjà salué par la cri- tique littéraire, nous emmène au cœur de l’Ohio, à New Canaan, amalgame
de plusieurs sites réels.
L’Ohio, c’est le rêve américain, les lotisse-
ments résidentiels standardisés, la quintes- sence du Midwest (pétrole, gaz), que l’auteur renverse. D’une noirceur absolue sur l’Amé- rique post-attentat du 11 septembre 2001, ce livre trace les trajectoires de quatre tren- tenaires qui se retrouvent des années après le lycée et là où ils ont grandi. Les portraits dévastés et dévastateurs des personnages, du tourbillon de l’adolescence jusqu’à l’âge adulte, sont glaçants. Le premier amour est
cruel pour tous, surtout pour Stacey et Lisa, dans un Ohio (une Amérique ?) où être les- bienne est proscrit. Mais surtout, et dès les premières pages, ce roman aborde sans tabou les conditions sociales d’une Amérique où règne le capital jusque dans la mort : « Il n’y avait pas de corps dans le cercueil. C’était un modèle Star Legacy rose platine en acier inoxydable 18/10 qu’on avait loué au Walmart du coin et enveloppé dans un grand drapeau américain. » Stephen Markley dérange, avec un ton impertinent et documenté sur une jeunesse (de moins en moins jeune...) livrée à la drogue, au chômage, à la guerre, à la dérai- son, à la division, que les républicains ou les démocrates soient au pouvoir : « Les choses
commencèrent à changer en 2000, quand le mange-merde qui gouvernait le Texas vola la présidentielle au
vice-président
mou et incompé- tent. »
Un auteur à suivre... ! n
Paula Vieth
Ohio
Éditions Albin Michel ; 560 pages ; 22,90 euros.
À VOIR
      Critique non autorisée du jargon mensonger
Départs volontaires
Désignés volontaires, vous serez privés d’em- ploi. Voilà ce qu’il faut entendre, quand un
ministre prononce ces mots fati- diques : départs volontaires. Ces travailleurs qui seront mis à la
porte, fort autoritairement mais avec des mots fort libéraux, ils auront un nouveau devoir. L’escro- querie des plans de sauvegarde de l’emploi ne suffit plus. Il leur faudra faire savoir que ce n’est pas seule- ment avec leur assentiment qu’ils subiront le chômage : ils devront faire semblant d’avoir désiré le sort qui leur a été assigné.
Mais ne pense-t-il pas, en son for intérieur, ce ministre abusif, à la volonté du peuple qui pourrait bien, plus tôt qu’il ne l’imagine, obtenir son départ... involontaire, à lui et à ses collègues de l’associa- tion néfaste qui siège au gouverne- ment ?
Cela expliquerait peut-être l’énergie que ces gens-là déploient pour inventer de nouveaux vocables pour que le mot cache la chose. n
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                  Fabrice Toscan
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