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La Tribune des travailleurs - No259 - Mercredi 7 octobre 2020
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ACTUALITÉ
Une explosion de pauvreté sans précédent
Une file d’attente pour la distribution de colis alimentaires en Seine-Saint-Denis
C’ Budget 2021 Tout pour les riches
est un « budget de tous les records » Ce sont ces mêmes banques qui ont bénéficié par rapport à 2017) qui fera d’elle « le premier d’un montant prévisionnel de 490 mil- de garanties financières apportées par l’État recruteur de France » selon la ministre.
liards d’euros, que vient de présenter pour les 300 milliards d’euros déboursés pour
le gouvernement. Cet endettement les entreprises. Financées par l’argent public,
L’état de la pauvreté en France est comparable, aujourd’hui, à celui qu’a connu le pays « lors de la Seconde Guerre mondiale ». Cette affirmation
est tirée du baromètre annuel de la pauvreté publié par le Secours populaire français, le 30 septembre, qui met en évidence les ravages engendrés par la crise sanitaire et met en garde contre une explosion de pau- vreté sans précédent.
Les chiffres sont en effet effrayants. Pen- dant les deux mois de confinement, plus d’un million de personnes ont sollicité une aide auprès de l’association, contre 3,3 mil- lions sur toute l’année 2019 (45 % des béné- ficiaires n’avaient jamais demandé d’aide). Une personne sur trois a, durant cette période, subi une perte de revenus, considé- rée comme importante dans 16 % des cas. Le rapport souligne l’afflux de personnes nouvelles – familles monoparentales, per- sonnes âgées, intérimaires, travailleurs indépendants – qui n’avaient jusqu’à pré- sent jamais demandé d’aides, s’ajoutant aux déjà précaires dont la situation a empiré. La situation des étudiants est particulière- ment préoccupante (voir page 10). Certains d’entre eux ont été contraints d’arrêter leurs études après avoir perdu leur boulot... et leur logement.
Selon la secrétaire générale du Secours populaire, les « nouveaux visages de la pauvreté » sont ceux qui jusqu’à présent « vivaient modestement et discrètement mais qui subvenaient à leurs besoins et qui aujourd’hui n’ont plus de quoi manger ».
Karima a dû, pendant le confinement, nourrir ses deux enfants privés de can- tine scolaire. Elle indique : « Moralement et physiquement, c’est dur quand on ressent la faim. Si on a l’estomac vide, on ne peut pas réfléchir. » Jeannine, 85 ans, ancienne ouvrière à l’usine, témoigne : « Quand on a des crampes d’estomac, que ça gargouille et que ça tremble là-dedans, il faut enlever la faim de l’esprit, en lisant par exemple » (Le Parisien, 30 septembre).
Ajoutons que le confinement a ampli- fié une « fracture numérique » déjà bien présente. Certains enfants n’ont pas pu poursuivre une scolarité normale. 44 % des parents estiment que leurs enfants ont pris du retard à l’école depuis le début de la crise sanitaire. Un retard que les familles les plus précaires jugent difficilement rattrapable.
Le 1er octobre, c’est au tour de France Stratégie, institution officielle rattachée au Premier ministre, de publier une note sur le même thème, note qui indique : « La crise sanitaire et le confinement (...) ont entraîné des difficultés importantes et spécifiques pour les plus vulnérables, notamment en matière de subsistance (recours important aux dis- tributions alimentaires), de santé (exposition plus forte au virus [...]) ou encore d’accès à l’éducation à distance (manque d’équipe- ment, difficultés d’accompagnement par les familles, exiguïté du logement). » Puis la note revient sur la « réponse » des pouvoirs publics à cette situation et évoque notam- ment le plan de relance de 100 milliards d’euros annoncé le 3 septembre dernier. Sur ces 100 milliards, 800 millions sont consa- crés aux « mesures de soutien aux personnes précaires », somme qui inclut les 533 mil- lions déjà versés au titre de la hausse de l’allocation de rentrée scolaire...
Conclusion de France Stratégie : « La part allouée aux personnes en situation de pauvreté dans le plan est très limitée » !
Très limitée ? C’est le moins que l’on puisse dire ! Finalement, sur les 100 mil- liards du dernier plan de relance (et sur les 560 milliards, au total, offerts aux patrons depuis le 19 mars), ce sont moins de 300 millions qui sont affectés à la réduction de la pauvreté...
Mais il serait difficile de donner plus aussi longtemps que, plan de relance après plan de relance, des centaines de milliards seront versés aux capitalistes. Et le projet de budget pour 2021 poursuit sur la même voie : que les pauvres s’appauvrissent encore et que les riches s’enrichissent. Déci- dément, il est urgent de rompre avec cette politique ! n
Christel Keiser
double le déficit budgétaire. La dette publique passe de 98 % du produit intérieur brut (1) en 2019 à 117 % en 2020. Au service de qui ?
D’où vient cet argent ?
Du vote unanime des députés qui ont décidé en mars avec le gouvernement d’injec- ter 343 milliards d’euros pour les entreprises, puis d’une deuxième tranche en juin, puis d’un « plan de relance » de 100 milliards (2) qui en constitue le troisième étage pour un total de 560 milliards.
Il sera financé par un emprunt historique de 260 milliards d’euros sur les marchés finan- ciers. Olivier Dussopt, ministre des Comptes publics, a rappelé qu’il faudra le rembourser.
les banques décident de son utilisation... et il faudra leur rembourser !
Que contient-il pour les patrons ?
– Une baisse de 10 milliards par an des « impôts de production » dès le 1er janvier 2021 (réduction de plusieurs taxes foncières).
– La poursuite de la baisse de l’impôt sur les sociétés de 6 milliards d’euros, pour passer d’un taux actuel établi entre 28 et 31 % à 25 % en 2022.
– Un coup de balai dans diverses taxes, comme celle sur certaines activités polluantes ou sur les « casinos flottants ».
– Une augmentation du budget de l’ar- mée de 1,7 milliard (soit 18 milliards de plus
Et pour les travailleurs ?
– Plus de moyens pour l’école, la santé ou l’emploi ? C’est tout l’inverse, avec 120 postes en moins dans l’Éducation nationale, 947 postes de fonctionnaires supprimés au ministère de la Transition écologique (et on nous parle d’un « budget vert » !), 2 163 postes supprimés au ministère de l’Économie et des Finances, 496 en moins au ministère du Travail. n
G. F.
(1) Valeur totale annuelle de la production de richesses.
(2) Sur ces 100 milliards, 42 sont prévus pour le budget de 2021.
PARTI OUVRIER IndéPEndAnT démOcRATIqUE
« Une économie basée sur la réponse aux besoins
fondamentaux du plus grand nombre »
Extraits de l’Adresse du 4e congrès du Parti ouvrier indépendant démocratique, 26 et 27 septembre 2020.
«Nous sommes en droit d’affirmer que mobiliser ces 560 milliards* pour le maintien et la création des emplois nécessaires permettrait le déve- loppement effectif d’une économie basée non sur la recherche du profit mais sur la réponse aux besoins fondamentaux du plus grand
nombre.
Cela exige une planification, non pas le plan décrété par Macron avec son haut-
commissariat présidé par l’ex-ministre Bayrou et que certains à « gauche » croient utile d’applaudir bruyamment. Non, un plan qui passe par la nationalisation sans indemnités ni rachat de toute une série de secteurs de l’industrie, par la confis- cation des 560 milliards, par la nationalisation des banques et la centralisation d’une banque unique au seul service de la reconstruction et de la réorganisation d’une économie au service de la population et par la renationalisation des services publics.
Si on se place du point de vue de la classe ouvrière et de la démocratie, ce n’est pas de la relance de la vieille économie capitaliste spéculative et parasitaire dont le pays a besoin mais de trois « R » : Rupture avec ce système, Reconstruction d’une économie au service de la population, Réorganisation de la société pour la satis- faction des besoins humains.
Pour cela, il est urgent de rompre avec la continuité des quarante dernières années, dont tous les gouvernements successifs, de « gauche » comme de droite, ont mené des politiques de privatisation, de destruction des services publics, de déréglementation et de réformes anti-ouvrières et antisociales, en tentant d’y associer les organisations syndicales ; continuité aussi de la mise en œuvre de la politique agricole commune européenne et de la soumission aux seuls intérêts de l’industrie agroalimentaire. Cette continuité doit être brisée. » n
* Attribués par le gouvernement Macron aux banques et aux patrons à la suite du vote unanime de l’Assemblée nationale, le 19 mars dernier.
Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021
La mise en place d’un
« forfait urgences » :
D un scandale absolu !
epuis des années, les urgences sont satu- rées. Les personnels ont fait grève à de nom- breuses reprises. Tout le monde le sait : il faut des moyens supplémentaires pour ce ser-
vice essentiel à la vie de l’hôpital et des patients. Macron et Véran ont trouvé la solution : dissuader de venir aux urgences. Comment ? En taxant les malades. Vous vous présentez aux urgences... et, heureusement, vous n’êtes pas hospitalisé (80 % des cas actuellement). Dans ce cas, vous payerez un « forfait urgences » à compter du 1er janvier 2021. Le montant n’a pas encore été fixé. Il le sera par décret. Mais on sait que tous devront payer, y compris ceux qui étaient jusqu’à présent exonérés du ticket modérateur (les femmes enceintes, les malades chroniques et les invalides). Des parents sont inquiets : leur bébé a plus de 39° de fièvre et la fièvre ne baisse pas depuis deux jours. Ils se rendent aux urgences. Leur bébé est examiné par un médecin. Fort heureusement, l’hospitalisa- tion ne sera pas nécessaire. Eh bien, ils devraient payer ! Une ignominie !
Dans ces conditions, combien vont hésiter à se rendre aux urgences ?
« C’est une décision populiste, on transforme les usagers en boucs émissaires », dénonce à juste titre Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Asso- ciation des médecins urgentistes de France. n