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La Tribune des travailleurs - No259 - Mercredi 7 octobre 2020
ACTUALITÉ
Ces enfants handicapés qui n’existent pas pour l’Éducation nationale
Laboratoires Biopath (Bry-sur-Marne, Val-de-Marne)
Grève pour nous et aussi pour les patients !
Derrière la crise des tests, des groupes privés, comme Biopath, réalisent de fantastiques profits. Non contents d’avoir des paiements garantis par la Sécurité sociale, ils s’acharnent à imposer des conditions de travail et de salaire scandaleuses à leurs personnels. À Biopath, la grève éclate : au centre, l’exigence de la revendication de 200 euros pour tous. Des grévistes racontent.
Les raisons de la grève :
– « Tout est honteux, la façon dont on nous paie, la façon
dont on nous répond, la façon dont sont traités les patients. On a l’impression qu’ils s’en moquent. Nous n’avons pas eu d’augmentation collective des salaires depuis dix ans. »
– « Des prélèvements mettent souvent quarante-huit heures du fait de la désorganisation et des problèmes de coursiers. Certains collègues ont reçu des coups, des cra- chats et se font régulièrement insulter par les patients qui n’en peuvent plus d’attendre. »
Dans l’assemblée, le face-à-face entre les grévistes et la direction (au troisième jour de grève)
La direction : On espère que nos propositions vous conviennent.
Les salariés : Non, non, non !
La direction : Mais c’est un début. Nous faisons appel à votre conscience professionnelle, reprenez l’activité.
Les salariés : Nous voulons 200 euros pour tous !
La direction : Non, on ne peut pas. Nous vous remercions pour tous vos efforts, mais il faut reprendre le travail.
Les salariés : Arrêtez de nous culpabiliser ! C’est insupportable ! Ce n’est pas à nous de faire des concessions, on n’arrête pas de faire des efforts, on est des vaches à lait !
La direction : Nous refusons des milliers de patients depuis le début de la semaine. On fait appel à votre conscience professionnelle !
Les salariés : C’est votre faute ! On est motivés, on est motivés, on est motivés ! Les actionnaires se dorent la pilule pendant qu’on se crève.
Le résultat
Le 2 octobre, avec leur syndicat FO, les grévistes obtiennent une augmentation de 3 % de salaire pour plus de la moitié des salariés (ceux qui gagnent moins de 2 100 euros) et 1,5 % pour les autres, ainsi que 1 000 euros de prime Covid. Grosse déception, la direction, appuyée sur le silence com- plice du gouvernement, n’a pas cédé sur la revendication principale de 200 euros pour tous, malgré les pertes énormes que chaque jour de grève représentait pour elle.
« La grève nous a permis de nous rassembler et de nous unir. Ce n’est pas une petite leçon pour l’avenir ! Au travers de nos revendications et de notre grève, c’est une question brû- lante de santé publique qui est posée », conclut une gréviste.
«D Privatisation du recouvrement de l’impôt : quel positionnement syndical ?
Depuis le début du mois de septembre, nous avons attiré l’attention sur les conditions réelles de cette rentrée scolaire. Jean-Michel Blanquer, qui ne cesse de décrire cette rentrée comme « bonne » et réussie, feint d’ignorer les faits que nous rapportons semaine après semaine. En particulier, les conditions faites aux enfants handicapés. Nous y revenons cette semaine.
Les enfants handicapés sont les premières victimes du manque de moyens dans les écoles. Jean-Michel Blanquer prétend hisser l’inclusion des élèves en situation de handicap au rang de priorité depuis la rentrée 2019. Un chapitre entier de
la loi pour une « école de la confiance » est consacré à l’inclusion. Pourtant... les AESH, les places en IME, les personnels médico-sociaux manquent cruellement. En cette rentrée, les parents d’enfants handicapés découvrent que leurs enfants ne valent pas autant que les autres.
Impossible, direz-vous ! Dans le Val-de- Marne, les autorités de l’Éducation natio- nale ont fait un choix : ne pas comptabi- liser ces enfants inscrits en Ulis* dans les effectifs des écoles qui les accueillent. Pour autant, ces élèves sont bien présents dans les classes ordinaires de l’école pour un temps d’inclusion qui varie d’un élève à l’autre en fonction de la nature et du degré de son handicap. La raison : tru- quer les chiffres pour réduire les moyens alloués à chaque école.. Le directeur de l’école Jean-Vilar, à Villejuif, explique : « Sans les élèves Ulis, la moyenne de l’école est à 26, contre 26,95 si on les intègre. J’ai
le cas de classes de CP à 28 élèves ; lorsque les élèves de niveau CP de l’Ulis sont en milieu dit normal, on passe à 30 élèves, pour accueillir des élèves autistes, ça n’est pas sereinement faisable » (Le Parisien, 24 septembre). Quatre-vingt-trois Ulis sont implantées dans le Val-de-Marne. Quatre-vingt-trois Ulis, ce sont 650 élèves porteurs de handicaps qui sont exclus des chiffres de l’inspection d’académie, privés des moyens nécessaires à leur scolarisation, 650 élèves pour lesquels il faudrait déployer des moyens supplé- mentaires pour les accompagner, les encadrer avec des psychologues, des
effectifs allégés en classe, affecter une infirmière scolaire à temps plein... Dans le secondaire, les collèges Plaisance, à Créteil, Molière, à Chennevières, mobilisés depuis la rentrée pour l’ouverture d’une classe supplémen- taire, font face à la difficulté d’inclure les élèves à besoins spécifiques dans les classes à 30 élèves. « La hausse des effec- tifs, en 4e particuliè- rement, va empêcher l’inclusion des élèves d’Ulis alors que nous avons affaire à des cas de plus en plus lourds qu’il faut inclure à des classes de 30 élèves. C’est une situation inédite qui nous inquiète et qui met les enseignants et ces élèves en difficulté »,
pointe un enseignant en grève le 22 sep- tembre. Malgré les interventions des syndicats SNUipp-FSU 94 et SNUDI-FO 94, rien n’y fait. Aucune autorité de l’État ne fait respecter l’article 25 de la loi pour l’école de la confiance qui stipule que « les élèves accompagnés dans le cadre de ces dispositifs sont comptabilisés dans les effectifs scolarisés ». n
Christian Morain
* Unité localisée d’inclusion scolaire.
Le handicap de cet enfant aurait-il disparu ?
Au collège Les Caillols, à Marseille, comme dans de nombreux collèges, les effectifs par classe atteignent souvent 29 élèves et les surveillants ne sont pas assez nombreux. Pendant le confinement, les équipes de suivi de la scolarisation (ESS) ne se sont pas tenues, les informations nécessaires pour le renouvellement des notifications d’AESH* pour les enfants handicapés n’ont donc pas pu être trans- mises à la MDPH*. Le gouvernement n’a pris aucune mesure pour pallier ce pro- blème purement administratif. Résultat : un élève qui avait droit à quinze heures par semaine d’accompagnement, jusqu’à la semaine dernière, se retrouve aujourd’hui seul en classe, avec ses angoisses, ses troubles et sans personne pour l’aider, excepté l’enseignant qui doit faire cours à 29 élèves ! Les enseignants, reçus par l’inspec- teur d’académie avec leur syndicats FO et FSU, s’entendent répondre : « Vous êtes fonctionnaires d’État, vous faites avec ce que vous avez ! » Le handicap de cet enfant aurait-il disparu ? n
Correspondant
* AESH : accompagnant des élèves en situation de handicap ; MDPH : maison départementale des personnes handicapées.
La maison départementale des per- sonnes handicapées oriente un enfant porteur de handicap dans une Ulis quand il a besoin d’un enseignement adapté, ne pouvant être scolarisé à temps complet en classe ordinaire malgré des aménagements et adapta- tions pédagogiques.
Problèmes du mouvement ouvrier
epuis des années, l’administration paiements en espèces, en lieu et place des gui- direction générale des Finances publiques ment du statut des personnels dont la raison des Finances publiques est l’objet chets des Finances publiques. (DGFiP) avait seul qualité pour encaisser d’être est d’assurer la probité dans la gestion d’une entreprise de démantèle- Dans une brochure commune, « Pas de ser- l’impôt et autres recettes publiques. L’encais- des fonds publics et l’égalité de traitement du ment : fermeture des trésoreries, vices publics sans Finances publiques », cinq sement – autrement dit le recouvrement – de citoyen devant l’impôt.
suppressions d’emplois, privatisation de la collecte de l’impôt sur le revenu avec l’instau- ration du prélèvement à la source opéré par les employeurs... Depuis le 28 juillet, les bura- listes sont autorisés à encaisser le paiement de l’impôt (reliquat d’impôt sur le revenu, taxe foncière et taxe d’habitation, dans la limite de 300 euros) et des factures des services publics (crèche, cantine, hôpital, amendes... sans limitation). Ils seront les seuls à accepter les
syndicats des Finances publiques (Solidaires, CGT, FO, CFDT, CFTC) écrivent : « Pour nos organisations, autoriser le paiement en numé- raire exclusivement auprès des opérateurs privés est contraire aux principes du service public. » Le paiement en numéraire auprès du privé, non exclusif, c’est-à-dire partagé entre les buralistes et les guichets des Finances publiques, serait-il admissible ? Jusqu’à présent, avant l’article 201 de la loi de finances 2019, le comptable de la
l’impôt était une compétence exclusive de l’État, de fait un monopole d’État. Rappelons que la Révolution française a mis fin au système des « fermiers généraux » qui leur permettait de s’enrichir en prélevant une partie du produit de l’impôt collecté par leurs soins.
Le partage de l’encaissement de l’impôt entre des acteurs privés et les services de l’État ouvrirait la voie à la généralisation du trans- fert du recouvrement au privé, au démantèle-
Le monopole d’État pour la collecte de l’im- pôt est indissolublement lié au maintien du sta- tut. Si elle entend se placer du point de vue de la défense du statut et du service public, l’organi- sation syndicale ne peut accepter aucune priva- tisation, totale ou partielle ; la revendication ne peut être que celle du retour au recouvrement exclusif de l’impôt par l’État. » n
Agnès Risacher
Biopath compte près de 500 salariés répartis dans les laboratoires qui reçoivent les patients et sur deux plates- formes, de Bry-sur-Marne (analyses de sang) et Bercy (bactériologie). Biopath se fixe de traiter 6 000 tests Covid par jour (un test est facturé 73,60 euros). Chacun imagine ce que doit être le profit des actionnaires pour chaque test...