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La Tribune des travailleurs - No259 - Mercredi 7 octobre 2020
comité de liaison
INTERDICTION! DES LICENCIEMENTS
pour l’unité
Les travailleurs veulent vivre
Airbus confirme, le
21 septembre, son projet de suppression de 5 000 emplois avant l’été 2021. Renault Trucks : suppression de
323 postes de cadres et de techniciens. Rossignol,
92 emplois en moins en France. Permaswage envisage de supprimer
73 emplois sur les 155 du
site des Clayes-sous-Bois (Yvelines). Vitalaire, filiale du groupe Air Liquide, va licencier 9 de ses 85 salariés. La direction du groupe Collins Aerospace annonce la suppression de 151 postes sur ses deux sites de Saint- Ouen-l’Aumône (Val-d’Oise) et de Saint-Marcel (Eure). Latécoère (équipementier aéronautique, 1 504 salariés en France) annonce la suppression de 475 postes (32 % des effectifs). Le groupe Royer (chaussures) pourrait licencier 200
de ses 500 salariés en
France. L’équipementier aéronautique Lisi-Creuset prévoit de supprimer
197 emplois sur les quelque 850 de ses sites de Marmande (Lot-et-Garonne). Top Office (meubles et fournitures de bureau, famille Mulliez, qui détient Alinéa, Auchan, etc.) va supprimer 105 postes,
soit un tiers des effectifs, Verrerie AGC, à Bussois (Nord), 86 emplois menacés (un tiers des effectifs). Mecachrome, entreprise sous-traitante d’Airbus, annonce, le 25 septembre, la suppression de 306 emplois. Thales AVS, filiale de Thales, annonce la suppression
de 1 000 postes en France, près d’un quart des effectifs liés à l’aéronautique. Elior : suppression de 1 888 postes en France dans sa branche restauration d’entreprise. Fibre excellence, entreprise de pâte à papier à Tarascon (Bouches-du-Rhône),
270 salariés, a annoncé son dépôtdebilan.Toupargel (livraison de produits surgelés et d’épicerie à domicile) veut licencier
150 salariés. Le groupe pharmaceutique Servier veut supprimer 287 postes en recherche et développement sur quatre sites en France... Liste très, très partielle des deux dernières semaines. Elle n’appelle, du point
de vue des intérêts
ouvriers, qu’une seule réponse : interdiction des licenciements. C’est la revendication minimale. Le socle sur lequel peut et doit se construire l’unité. On lira dans cette page que ce n’est pas toujours aussi simple. Mais, les manifestations,
les rassemblements, les grèves en témoignent : les travailleurs et leurs familles veulent vivre. Ils veulent préserver leur droit au travail. Le comité de liaison
issu de la rencontre nationale pour l’unité (tenue le 19 septembre
avec des délégations de
31 entreprises) se réunit samedi 10 octobre.
Il fera le point de la campagne pour « l’unité pour l’interdiction des licenciements ».
F. C.
Aéroports de Paris Faudrait-il
« des efforts de toutes les parties » ?
Sur les aéroports de Roissy et d’Orly, de nouvelles assemblées étaient appelées par les syndicats CGT, CGC, Unsa et FO le 5 octobre. Quelques jours auparavant, les syndicats CGT, CGC et Unsa avaient envoyé une lettre au ministère demandant à être reçus. On peut y lire : « Les orientations pré-
sentées aujourd’hui par la direction visent plutôt à accélérer la mise en œuvre de réorganisations déjà programmées et la remise en cause de façon pérenne des acquis sociaux. Nous ne partageons pas ces choix et contestons la dimension sociale envisagée. » On lit également : « ADP a préféré lancer plusieurs emprunts, à hauteur de 4 mil- liards d’euros. Ces emprunts assurent le besoin
de trésorerie, le financement des investissements à court terme, mais sont également utilisés pour poursuivre la stratégie à l’international du groupe ADP. » Tout à fait juste. À la lecture de cette lettre des syndicats, chacun comprend que de l’argent, il y en a. Il devrait servir à maintenir les emplois, les acquis sociaux et les garanties collectives.
Mais ensuite, on lit : « La situation (...) néces- site sans doute des efforts de toutes les parties pre- nantes pour limiter les impacts de la crise sur le monde du travail, mais elle exige aussi de propo- ser un autre modèle économique que celui pour- suivi ces dernières années. »
« Des efforts de toutes les parties prenantes » ? Donc des salariés aussi. N’y a-t-il pas une ambi- guïté dans cette formulation ?
L’immense majorité des agents veut l’unité. L’unité pour le maintien des emplois, des salariés, des acquis sociaux. C’est le sens de l’appel d’agents ADP associant syndiqués CGT, FO et non syndiqués – contresigné par 27 salariés – qui se prononce pour l’unité pour le maintien de tous les emplois et de tous les services... et dégageant une perspective : aller au gouvernement (voir notre précédent numéro).
Cette volonté s’est exprimée dans l’assem- blée générale (vendredi 2 octobre). Elle a pu se conclure par un appel à la grève le 9 octobre pour se rendre au ministère. n
Correspondant
Airbus
À Toulouse
« Je pars travailler avec la boule au ventre »
À Saint-Nazaire
Un climat anxiogène avant les P charrettes de licenciements
our le moment, aucun plan de licenciements secs n’est prévu chez Simra Services sur le site Airbus de Saint- Nazaire. Depuis plusieurs semaines, nous avons constaté le retour d’une dizaine d’intérimaires, nous nous doutons
bien que cela ne va pas durer et nous restons sur nos gardes. En ce qui concerne la situation de dix « cols blancs » en activité partielle, chez eux depuis le début du Covid, nous craignions que la pression de la direction les pousse à démissionner d’eux- mêmes.
En plus de la situation angoissante que le monde entier connaît avec le Covid, Airbus ne trouve pas mieux que de faire régner une ambiance anxiogène. Pour cela, des personnes – au profil plus que particulier – vérifient que tout le monde porte correctement son masque sur le nez, ses bouchons d’oreilles, même s’il n’y a pas de bruit, la casquette de sécurité à l’endroit, les lunettes de sécurité, même si vous n’êtes pas dans l’avion. Un flicage pressant et pesant permanent. À tout cela s’ajoute la suppression des pauses, notamment sur le programme A350, pour les compagnons Airbus. Il n’y est autorisé qu’une seule pause dans leur journée de six heures (cela est dû à la baisse de cadence de ce programme.) Si vous venez à déroger à ces règles, votre badge est pris en photo et diverses sanctions peuvent être appliquées. Cela peut être le passage par le gardiennage tous les jours. Ils désactivent ton badge et ils te font un badge à la jour- née que tu récupères et que tu rends tous les jours. Une vraie galère quand tu travailles à l’autre bout du site, sans compter l’attente au gardiennage. La sanction peut aussi aller jusqu’au licenciement. Actuellement, je n’ai pas connaissance d’une telle sanction. Avec un tel climat de pression, l’ambiance n’est plus là pour les compagnons (qu’ils soient d’Airbus ou sous-traitants) : plus de musique sur certains postes de travail, plus de rassem- blement en grand nombre. On ne voit plus les camarades de l’autre quart (à cause des nouveaux horaires).
Nous ne sommes plus que des hommes et des femmes cachés sous une casquette, derrière un masque, éloignés de nos camarades, telle une équipe de robots sans visage, juste bons à accomplir des tâches sans broncher, sous peine de se retrouver dans la première charrette au moment des plans sociaux. n
«D
ans les médias, une grande entreprise de l’aéronautique européenne toulousaine est
présentée comme traversant
notre santé et celle de nos familles, sans subir en plus le harcèlement au travail.
Les augmentations de salaire et les pro- motions sont gelées jusqu’à nouvel ordre.
Comme beaucoup de collègues, je pars travailler avec la boule au ventre, avec la peur d’être licencié. Pourquoi ? Aurais-je oublié de tirer la chasse d’eau, suis-je allé boire à la fontaine à eau en dehors de mon temps de pause ?
actuellement une crise. Il faudrait se séparer de 15 000 salariés, malgré les aides de l’État et de l’Europe. Où sont passés tous ses mil- liards de trésorerie ? Disparus en tout juste deux mois ?
La direction du groupe explique qu’il n’y aura pas de licenciements secs, seule- ment des départs volontaires (préretraites, etc.). Cela est la partie visible de l’iceberg, car la partie immergée est plus sombre. Les licenciements secs ont déjà commencé et les plans s’accélèrent. À ma connaissance, dix personnes, déjà, sont licenciées pour des broutilles qui auraient juste valu un aver- tissement, et encore ! Pour comparaison, la justice vous condamnerait à mort pour le vol d’une pomme.
L’absence d’humanité des ressources humaines n’a plus de limite : la seule sanc- tion est le licenciement.
Certains chefs de secteur nous ont mis en garde sur le “flicage” répressif et autoritaire qui s’abat sur les salariés (l’étau se resserre, c’est même du harcèlement, selon certains avocats). Nous avons le sentiment que le RH (entreprise de sous-traitance) ainsi que le service de sécurité (sous-traitant aussi) ont carte blanche et usent même de zèle. Parfois, on vous demande deux à trois fois par jour votre badge, etc. Des caméras dans tous les coins, parfois utilisées à l’extérieur. Le ser- vice de sécurité nous attend sur le parking et exige l’ouverture de nos coffres de voiture avec autorité et sans respect. Cette société serait-elle au-dessus de la police ou de la douane ?
Vu la conjoncture actuelle et le climat anxiogène, nous sommes tous inquiets pour
Tout cela sans compter les suicides liés au travail qu’on nous vend pour des pro- blèmes familiaux.
Combien de licenciements devrons- nous subir ? Et, malheureusement, combien de suicides ?
En un peu plus de vingt ans, nous sommes passés d’une entreprise respec- tueuse des salariés à une entreprise rem- plisseuse de poches d’actionnaires et aux méthodes nord-coréennes. Merci le capita- lisme. » n
Un salarié, très inquiet de son avenir
Un salarié d’Airbus Saint-Nazaire