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La Tribune des travailleurs - No259 - Mercredi 7 octobre 2020
communiqué des secrétaires nationaux du poid
Qui organise le « séparatisme », monsieur Macron ?
C’est dans la ville ouvrière des Mureaux, dans les Yvelines, qu’Emmanuel Macron a prononcé le 2 octobre une diatribe violente et réactionnaire, en appui à son pro- jet de loi contre le séparatisme. Provocation supplémen- taire : le contenu sera présenté au Conseil des ministres le 9 décembre, jour anniversaire de la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905.
Ce discours provocateur est dangereux. Macron sait ce qu’il fait lorsqu’il affirme vouloir lutter contre les « sépa- ratismes » (au pluriel) tout en concentrant son attaque contre l’« islamisme » : « Ce à quoi nous devons nous atta- quer, c’est le séparatisme islamiste. C’est le cœur du sujet », a-t-il martelé à l’encontre d’une « idéologie » dont le « but final » serait de « prendre le contrôle complet » de la société. Son ennemi est-il vraiment une « idéologie » ?
Du matin au soir, à la radio, à la télévision, dans les journaux, c’est une véritable campagne destinée à impo- ser le « sujet ». De l’islamisme radical à l’islam, de l’islam au musulman, du musulman à l’immigré, ce discours empoisonné, incessant, stigmatise une partie de la popu- lation et alimente campagnes et actes chargés de haine. Macron ne cache pas son objectif : gagner l’électorat le plus à droite. Pour cela, il aiguise les tensions, encoura- geant la multiplication d’incidents.
« Le séparatisme de qui ? », lui a lancé une organisa- tion syndicale des Mureaux lors de sa venue. Qui sépare de la République, en effet ? Qui prive les cités populaires des services publics, du droit à un vrai travail avec un vrai salaire, à l’instruction, à la santé ? Qui fabrique l’inégalité et les ghettos plongés dans la misère et la violence ? C'est un véritable séparatisme social que prônent et pratiquent Macron et son gouvernement.
Défendre la République passe au contraire par l’éga- lité effective de tous les citoyens, quels que soient le lieu où ils vivent, leurs origines, leur croyance ou non-croyance. Pour cela, il faut que soient rétablis dans les quartiers, à commencer par les plus pauvres, les services publics républicains : écoles, centres de santé, éducateurs de rue, piscines, cinémas, centres de protection maternelle et infantile, équipements sportifs, bibliothèques... Alors, oui, la « ghettoïsation » reculera.
Pour rétablir l’égalité, il faut réquisitionner les 560 mil- liards donnés aux banques. Il faut se séparer de Macron.
Le POID rejette toutes les tentatives de diviser les tra- vailleurs et les jeunes entre eux et condamne toutes les formes de discrimination. C’est pourquoi il défend à la fois la liberté de croire ou de ne pas croire (ce qui relève de la vie privée) et la laïcité, qui sépare l’État et l’école de toutes les religions, laïcité indissociable de la défense de la démocratie politique dans son ensemble.
Montreuil, le 5 octobre 2020
Pour arracher l’égalité réelle des salaires entre les hommes et les femmes
Selon la prétendue Confé- dération européenne des syndicats (CES) (1), si rien n’est entrepris, il faudrait quatre-vingt-deux ans pour atteindre l’égalité salariale entre hommes et femmes dans l’Union européenne.
Cette situation est dénoncée par Esther Lynch, secrétaire générale adjointe de la CES, qui fustige l’inertie de la Commis- sion européenne dans ce domaine alors que la majorité des emplois sur le front de la lutte contre le Covid-19 « étaient occupés par des femmes dont le tra- vail est sous-évalué comparé au travail des secteurs dans lesquels dominent les hommes ».
C’était pourtant une promesse de la Commission européenne, s’émeut Esther Lynch qui prône, pour résoudre ce problème, une initiative législative européenne intégrant des mesures contraignantes au niveau national comme au niveau européen afin de réduire les inégalités de rémunération.
Les inégalités de salaire entre
hommes et femmes sont un vrai sujet. Aujourd’hui, en France, le salaire des femmes est en moyenne inférieur de 24 % à celui des hommes. Une étude de la CGT indique que mettre fin à cet écart de salaire permettrait d’augmen- ter de 6,5 milliards d’euros les cotisa- tions versées au régime de retraite. Exit le prétendu déficit ! Les femmes sont les premières victimes du travail pré- caire et du travail à temps partiel, bien souvent imposés. Ainsi, le taux d’acti- vité à temps partiel est quatre fois plus fréquent chez les femmes (plus de 30 % chez les femmes, moins de 8 % chez les hommes).
Le problème serait-il d’accélérer le rattrapage des salaires entre hommes et femmes et de faire confiance à l’Union européenne pour cela, comme le sug- gère Esther Lynch ? Il est un fait dont la CES ne parle pas : c’est de la baisse générale des salaires des hommes et des femmes et de toutes les attaques qui, à la suite du Covid-19, amputent leurs revenus. Ainsi, au moment où pleuvent les plans de licenciements, où se multi-
Des préparatrices de commandes dans une plate-forme logistique
plient les tentatives de faire prendre en charge par les syndicats les accords de performance collective (2), où le chô- mage partiel – avec baisse de salaire – est mis en place très largement (un quart des travailleurs ont été ou sont concernés dans l’Union européenne), où la précarité se développe, il n’y aura pas de résorption des écarts de salaire sans un combat d’ensemble contre ces mesures qui frappent toute la classe ouvrière.
Oui, des mesures contraignantes s’imposent pour sauver la classe ouvrière de la catastrophe, à commen- cer par l’interdiction des licenciements ainsi que le maintien intégral des reve- nus pour tous, condition pour arracher l’égalité réelle des salaires entre les hommes et les femmes. n
Christel Keiser
(1) Qui est en réalité une institution de l'Union européenne plutôt qu'un syndicat.
(2) Accords qui permettent d’augmenter le temps de travail... et de diminuer les salaires.
Yvelines Un communiqué de l’union
locale CGT des Mureaux
Nous publions un communiqué de l’union locale CGT des Mureaux (Yvelines), du 1er octobre, transmis par notre camarade Jean Delarue.
« Au moment où une crise sanitaire et économique sans pré- cédent frappe notre pays, M. Macron vient le vendredi 2 octobre 2020 pour la quatrième fois aux Mureaux pour un discours sur le séparatisme. Le séparatisme de qui ? Des entreprises comme Renault qui, bénéficiant de l’argent public, veut fermer l’usine de Flins et mettre au chômage des milliers de travailleurs qui ont fait sa fortune ? Des fraudeurs aux cotisations sociales qui mettent en danger l’hôpital public dont le CHIMM (1) sur notre territoire ? Bien sûr que non.
Ce vocabulaire d’extrême droite, dans la lignée de “l’ensau- vagement” du ministre Darmanin, remplace le terme commu- nautarisme et stigmatise les citoyens de confession musulmane ainsi que les quartiers populaires. Imagine-t-on un tel discours à Neuilly-sur-Seine, dans le 7e arrondissement de Paris ou au Tou- quet ? De hauts lieux pourtant du séparatisme des plus riches.
Un discours sur ce thème aux Mureaux est une provocation que semble cautionner M. Garay (2) en acceptant de l’accueil- lir. Cette caricature nie totalement la réalité de notre ville dont la population a fait preuve d’une grande solidarité pendant le confinement. Elle cache seulement une campagne présiden- tielle 2022 qui commence et l’échec de la politique économique de M. Macron.
M. le Président, ce territoire et ses habitants déjà touchés par le chômage et la pauvreté ne méritent pas de servir d’illustra- tion à cette politique du pire. Écoutez plutôt les travailleurs de Renault Flins dont l’usine qui fait vivre les Mureaux est mena- cée, les travailleurs migrants exploités qui veulent être régulari- sés, les soignants épuisés d’être en première ligne de la Covid et qui méritent mieux que la comédie du Ségur.
L’UL CGT des Mureaux, comme l’ensemble de la CGT, refu- sera toujours ce discours de haine et défend tous les travail- leurs. » n
(1) Centre hospitalier intercommunal de Meulan-Les Mureaux (ndlr). (2) Maire des Mureaux (ndlr).
Violences conjugales « Admettre son statut de victime est une étape longue... »
Dans mon intervention au congrès du POID, j’ai évoqué l’une des formes parti- culièrement révoltantes de l’oppression des femmes : les violences conjugales. Christelle, déléguée au congrès, s’est alors proposée pour rédiger ce témoi- gnage poignant pour La Tribune des tra- vailleurs.
C. K.
L
au quotidien.
Je m’appelle Christelle et j’ai été victime d’un pervers narcissique pendant trois ans. Tout commence par des mots bles- sants, insultants, rabaissants. Ensuite, les objets volent à travers la pièce dans votre direction. Vient après un travail d’isole- ment : vous finissez par vous éloigner de vos proches pour finir par vous retrouver seule. Puis arrive la période des coups, liée à des soucis de gestion domestique, et là, l’enfer commence : la peur de ren- trer chez soi, la peur du mal qu’il peut faire ou fait à vos enfants. On guette chaque changement d’humeur, on sur- veille chaque mot prononcé de peur qu’il s’énerve, car dans ce cas, vous savez qu’il va vous frapper. Mais on reste, de peur de partir parce qu’il vous promet de tous vous tuer si vous le faites.
Les coups sont donnés à des endroits faciles à cacher, mais la violence n’a pas de limite et, peu à peu, on les voit... Chaque matin, malgré vos efforts, les traces sont présentes. Chaque matin, j’accompagne mes enfants à l’école, je croise les mêmes
personnes, mais il arrive un moment où c’est tellement visible que les regards se baissent et j’en arrive à avoir honte.
Le travail pervers de culpabilité s’est installé. Je sais que c’est ma faute s’il me frappe, il me le répète à chaque coup. Par conséquent, il n’est pas simple, voire impossible, de franchir le pas du dépôt de plainte. En 2016, j’ai eu la chance que des personnes proches ne détournent pas la tête. L’assistante maternelle de mes enfants et deux collègues de travail m’ont obligée à admettre ce qui se pas- sait dans mon foyer. Là, j’ai réussi, non sans difficultés, à déposer plainte, à faire constater les coups et à être mise à l’abri avec mes enfants.
Une information insuffisante des gendarmes rend le dépôt de plainte dif- ficile (remarques inappropriées et une façon de s’adresser à vous qui fait que, sans aide, je comprends que des femmes y renoncent.)
Malgré cela, son influence sur moi reste présente. C’est une étape impor- tante à franchir, réussir à admettre son statut de victime, une étape assez longue.
Vient le procès, la condamnation. Malgré un an de prison, il arrive, à dis- tance, à me maintenir dans un état de culpabilité. À sa sortie, il recommence. Avec l’aide d’un voisin, la gendarmerie intervient de nouveau.
Il m’aura fallu ce deuxième passage devant la justice, un deuxième séjour en foyer, le suivi d’une éducatrice, deux ans et demi de suivi psychologique, pour avoir un électrochoc et me rendre compte que je ne voulais plus de cette vie.
Que ce soit sur mes enfants ou moi, les conséquences sont toujours visibles. Mon deuxième enfant, qui avait trois ans lors de la période la plus violente, a un retard d’apprentissage. Pour moi, une médication est toujours d’actualité et une perte de confiance en moi.
Mais ma situation n’est pas encore réglée car il fait tout pour nous détruire à distance : abandon de ses enfants, non- paiement de la pension alimentaire... J’en suis à deux dépôts de plainte.
Nous sommes victimes – et non res- ponsables – de violences conjugales. C’est une violence au quotidien qui trop souvent ne s’arrête pas avec le dépôt de plainte. Parfois, les violences restent phy- siques, mais souvent elles deviennent psychologiques (harcèlement, non-res- pect des jugements...).
Aujourd’hui, je sais que je suis une victime, je n’ai plus honte de l’avoir été. Même si tout n’est pas réglé, maintenant j’ai assez de force pour affronter toutes les difficultés qu’il mettra sur ma route. Je me le dois ainsi qu’à mes enfants.
Lors de mon deuxième dépôt de plainte contre lui début septembre 2020, j’ai croisé une femme au commissariat qui venait elle aussi déposer plainte. Je suis allée vers elle, lui ai donné le numéro du foyer de mon département. Je ne sais pas si elle est allée jusqu’au dépôt, je l’espère, mais il y avait du monde ce jour-là au com- missariat et si j’ai entendu la raison de sa venue, d’autres aussi.
J’espère que le fait de lui avoir montré qu’elle n’était pas seule, que je ne la jugeais pas, que je lui tendais la main, lui a donné la force et le courage de le faire. n
es violences conjugales, c’est un sujet dont on parle parfois lors de campagnes de sensibilisation. Mal-
heureusement, quand on le vit, c’est
Vie du parti
Témoignage