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La Tribune des travailleurs - No259 - Mercredi 7 octobre 2020
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Une pétition en direction des « femmes
Moselle On les appelle les aidants... ou plutôt les aidantes
Faute de structures spécialisées accessibles ou de per- sonnels dans ces structures, elles (et ils) sont de plus en plus contraintes de prendre en charge leurs parents.
travailleuses et de leurs maris »
« On nous a promis plein de choses, mais rien ne se fait ! »
La pétition du comité de Nemours
Le 24 septembre, des habitantes du quartier Beauregard, à Nemours (Seine-et-Marne), se sont réunies pour discu- ter des problèmes auxquels elles sont confrontées dans leur quartier.
Elles ont rédigé une pétition adressée aux femmes tra- vailleuses du quartier et à leurs maris. Nous avons inter- viewé Camille, l’une d’entre elles.
Pourquoi as-tu lancé cette pétition ?
J’ai fait cette pétition pour qu’on soit écoutées. Cela fait des années qu’on dénonce auprès de la mairie de Nemours tout ce qui ne va pas. On nous a promis plein de choses, mais rien ne se fait !
Je suis née dans ce quartier. J’ai vu son évolution : au fur et à mesure, tout s’est dégradé.
Déjà en 2010, différentes initiatives ont été prises par les habitants de Beauregard pour dénoncer les problèmes de chauffage, de moisissures sur les murs... Certains avaient porté plainte, d’autres ont fait venir les journa- listes. Des pétitions ont circulé dans les différentes tours.
Pour l’équipe municipale de Nemours, notre quartier n’est pas une priorité. Aux réunions de quartier, la muni- cipalité et le bailleur, Habitat 77, se renvoient la balle. La municipalité ne cesse de nous répéter : « On ne peut rien faire, les bâtiments ne nous appartiennent pas. Nous ne sommes responsables que des espaces verts. »
À présent, Habitat 77 envisage de fermer l’agence du quartier. Il faudra désormais s’adresser à celle de Champagne-sur-Seine. Mais de nombreux habitants ne pourront pas se déplacer, n’ayant pas de véhicule, et les personnes âgées n’ont pas d’ordinateur ou ne savent pas l’utiliser. Ils veulent vraiment nous oublier et nous faire taire !
Pourquoi cette pétition a-t-elle été rédigée avec le comité de Nemours du POID ?
Lors des porte-à-porte dans le cadre des élections municipales, j’ai rencontré Stéphanie et Michel, que je connaissais déjà dans le cadre de l’union locale CGT de Nemours. J’avais confiance en eux. Ils m’ont présenté le comité POID de Nemours ; j’ai acheté le journal (auquel je me suis abonnée par la suite). J’ai accepté de me por- ter candidate sur la liste ouvrière d’unité soutenue par le comité du POID. J’ai découvert que ces élections pou- vaient être un moyen de s’exprimer concrètement.
Même si on a raté un siège au conseil municipal à neuf voix près, j’ai adhéré au POID, dans lequel je me retrouve et qui respecte mes valeurs. Depuis son élection en mars 2020, la municipalité n’a rien fait sur Beauregard. Voilà pourquoi j’ai lancé cette pétition avec mon comité du POID et des femmes travailleuses du quartier.
La première diffusion de notre pétition a eu un très bon accueil : d’abord auprès des mamans à la sortie de l’école Jacques-David, puis à la descente du bus scolaire. On a recueilli treize signatures et vendu un exemplaire du journal. Toutes les signataires ont pris une pétition vierge pour en parler et faire signer autour d’elles : leur mari, leur famille, leurs voisins.
À la lecture de la pétition, elles disaient : « C’est tout à fait ça ! » ; « C’est la réalité des choses ». Elles ont même demandé d’ajouter aux treize revendications les pro- blèmes de chauffage et d’interphone qui ne fonctionnent plus.
Comment vois-tu la suite de la campagne ?
On se donne un mois pour recueillir le maximum de signatures.
Dans une semaine, je voudrais organiser une réunion des mamans investies dans cette initiative.
Ensemble, on organiserait, un vendredi à 18 heures au terrain de boules, une réunion pour tous les habi- tants du quartier pour discuter de la pétition et décider de la délégation qui la déposera à la mairie de Nemours. On a besoin de l’aide et des conseils du comité POID de Nemours qui nous accompagne dans notre démarche.
Ehpad : une aide- soignante pour quinze résidents...
Le placement de notre maman en Ehpad a été une décision extrêmement difficile à prendre car nous connaissions les difficultés de ces établis- sements, liées au manque de personnel. La réalité a été à la mesure de nos craintes. Malgré le dévouement de la plupart des personnels, comment prendre en compte les spécificités liées à l’âge avec une aide-soignante pour quinze résidents ?
Alors, tout devient difficile : les gestes du quotidien, les dépla- cements, l’élocution, les soi- gnants ne peuvent pas prendre le temps avec les personnes âgées ! Tout est minuté et peu importe si le personnel est épuisé !
La toilette ? « C’est vite vu », me dit ma maman. Et puis, pas le temps d’hydrater la peau, pas le temps de masser les jambes douloureuses, pas le temps d’ai- der les résidents à se brosser les dents... Alors, lorsque je sors du travail, je lui apporte ces petits riens : hydrater, masser, récon- forter.
Lorsque je suis avec elle, je ne veux pas lui montrer mon désar- roi. Mes larmes et ma rage, je les garde pour quand je rentre chez moi. Nous serons tous confron- tés à la dépendance et nous nous devons de défendre un système de soins digne de ce nom.
Pour soutenir les soignants, il ne sert à rien de les applaudir le soir à 20 heures. Lorsqu’ils manifestent dans la rue, il faut manifester avec eux et exiger l’arrêt des suppressions de lits dans les hôpitaux et l’embauche de personnels qualifiés, que ce soit dans les hôpitaux ou dans les Ehpad.
Anne
Avec ma sœur, on a dû tout prendre en charge
Je me suis occupée de mes deux parents âgés de 90 ans pen- dant cinq ans, atteints tous les deux de la maladie d’Alzheimer. Leur état leur permettait encore de vivre à domicile. Puis mon père est décédé en mars...
C’est une association d’aide à la personne qui intervient, mais il n’y a pas assez de personnel pour mieux organiser les horaires de prise en charge.
Leurs deux pensions cumu-
lées auraient suffi pour le pla- cement d’un seul en établisse- ment spécialisé. Maintenant que ma mère est veuve, elle touche 1 800 euros (pension et pension de réversion). Avec les aides financières diverses, son place- ment est envisageable. Mais le maintien à domicile reste moins onéreux.
Au début du confinement, les intervenantes n’avaient ni masque, ni gants, ni gel hydro- alcoolique ! Début avril, ma mère a été suspectée de Covid- 19. Alors, toutes les aides ont été stoppées. Avec ma sœur, on a dû prendre tout en charge.
Les aides à domicile, qui sont pour la plupart à temps partiel payées au Smic, font un énorme travail ; en plus du ménage, elles gèrent des personnes fragilisées. Elles s’occupent de la toilette, de l’habillage, elles sont une aide précieuse pour les personnes âgées.
Marie-Claude
On a été ses aidants tous les jours...
Avant, ma mère vivait à la maison. De 2011 à 2019, on a été ses « aidants » tous les jours. Il y avait des aides à domicile et une infirmière qui passaient, ça posait souvent des problèmes, en raison des ordres et contrordres. Maintenant, elle est à l’Ehpad, géré par une association.
Le samedi, les personnels ne sont pas assez nombreux, ils doivent coucher tous les rési- dents. Le dimanche, il n’y a per- sonne à l’accueil. Je me mets à la place du personnel, mais en même temps, je suis en colère, parce que ma mère est considé- rée parfois comme une personne négligeable quand on ne tient pas compte de ses besoins et de ses demandes.
En même temps, pendant le Covid, ils ont vraiment bien géré. Deux salariées ont organisé les rendez-vous par Skype...
Comment font ceux qui touchent 800 euros par mois avec l’Ehpad qui coûte 2 000 euros ? Ma mère touche 13 000 euros par an et l’Ehpad coûte 2 135 euros par mois !
Au moment de la dépen- dance, la personne âgée devient invisible.
Il faudrait plus de personnel, et du personnel qualifié, avec une vraie formation.
Geneviève
Des maisons de naissance faiblement médicalisées
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021 prévoit – entre autres – la création de « maisons de nais- sance, lieux d’accompagnement faiblement médicalisés et per- sonnalisés des femmes enceintes et de leur bébé ». D’un côté, le gouvernement poursuit sa politique de fermeture de mater- nités au prétexte qu’elles ne garantiraient pas la sécurité des mamans et des bébés lors des accouchements et, de l’autre, il les remplace par des « maisons de naissance » qui sont moins bien équipées que les maternités et dépourvues de médecins et d’obstétriciens.
Le quartier Beauregard à Nemours