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                                La Tribune des travailleurs - No259 - Mercredi 7 octobre 2020
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  INTERNATIONAL
États-Unis La crise s’approfondit
CHRONIQUE INTERNATIONALE
Des poudrières
qui menacent Dd’exploser
ans le Washington Post (20 sep- tembre), David Ignatius, l’un des journalistes spécialistes des affaires étrangères écrit que
le secrétaire d’État – c’est-à-dire le ministre des Affaires étrangères des États-Unis – Mike Pompeo, a secrète- ment indiqué au gouvernement ira- kien que les États-Unis fermeraient leur ambassade à Bagdad si le gouver- nement irakien n’entreprenait pas une action résolue contre les formations pro-iraniennes agissant en Irak.
Pour Ignatius, cette injonction prélude à une possible intervention militaire avant l’élection présidentielle de novembre. « L’Irak apparaît comme le lieu où une confrontation pourrait éclater entre les États-Unis et l’Iran », écrit-il. À ce sujet, on évoque « les sur- prises d’octobre » en se référant au fait qu’immédiatement avant l’élection présidentielle américaine de 1980 un accord secret avait été conclu entre les autorités iraniennes et le gouverne- ment américain pour la libération des otages alors détenus dans l’ambassade américaine en Irak. Mais cette libé- ration ne devait se produire qu’après l’élection de Ronald Reagan, faisant ainsi apparaître ce dernier comme remportant un premier succès de son administration, alors que la responsa- bilité de l’affront infligé aux États-Unis retombait sur le Parti démocrate...
Au-delà de l’attention qu’Igna- tius porte à la situation explosive au Moyen-Orient, les poudrières prêtes à exploser existent aussi en Asie (où le gouvernement Trump multiplie les provocations contre la Chine), en Afrique – il suffit de voir la situation en Libye ou au Mali – et en d’autres points du globe, expression de la politique d’ensemble de l’impérialisme améri- cain se recoupant avec les nécessités immédiates nées de la campagne élec- torale présidentielle.
Pour en revenir au Moyen-Orient, soulignons que les gesticulations du président Macron s’intègrent parfai- tement à cet ensemble menaçant. Parlant comme s’il était un proconsul s’occupant du Liban pour le compte des besoins impérialistes, il a, ces jours derniers, dénoncé « la trahison des politiques libanais ». Il ne s’agit pas bien sûr des intérêts du peuple liba- nais mais du fait que les différentes composantes du pouvoir au Liban n’ont pu parvenir à constituer un gou- vernement cohérent contre les intérêts du peuple libanais.
Comme par hasard, Emmanuel Macron a dénoncé comme respon- sable de cet état de fait le Hezbollah qui prétend être « en même temps une armée de guerre contre Israël et un parti politique respectable au Liban ». Le Hezbollah est lié aux autorités ira- niennes et l’anathème lancé contre lui par Macron rejoint les exigences for- mulées par Mike Pompeo. n
François Forgue
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Une instabilité qui fragilise le système capitaliste dans son ensemble
« Prompt rétablissement, Monsieur le Pré- sident ! », écrit le New York Times (2 octobre), après que Trump a annoncé qu’il est positif au Covid-19, « pour votre bien, et pour le bien de la nation », ajoute le quotidien qui milite pour l’élection de son adversaire démocrate, Joe Biden, dans une campagne où, pourtant, tous les coups sont permis. The Wall Street Journal de son côté s’inquiète : « Que se passera-t-il si le pré- sident est dans l’incapacité ? » (4 octobre). Quand l’existence même d’un exécutif au sommet de l’État est en jeu, démocrates et républicains, les deux partis de la bourgeoisie, se serrent les coudes.
Pourtant, la crise se poursuit au sommet. Le fameux débat télévisé entre Trump et Biden a été, selon de nombreux commentateurs, « le plus lamentable » depuis des décennies : injures, attaques personnelles, cacophonie. « Un débat inquiétant pour la démocratie américaine », s’alarme Le Monde (30 septembre), conscient que l’instabilité au sommet de la principale puissance impérialiste fragilise le système capi- taliste dans son ensemble.
Biden a attaqué Trump sur son insuffisante fermeté vis-à-vis de la Russie, Trump concen- trant ses coups contre la Chine et l’Iran. Quelles que soient les cibles de la prochaine adminis- tration, que celle-ci soit républicaine ou démo- crate, et que ce soit à l’extérieur du pays ou à l’intérieur, contre la classe ouvrière, ce sera tou- jours par la force qu’elle devra imposer les inté- rêts du capitalisme nord-américain.
Malgré ces évidences, le grand jury saisi par les avocats de la famille a décidé de mettre en accusation l’un des policiers uniquement pour « mise en danger imprudente »... pour avoir tiré certains de ses coups de feu dans l’appar- tement d’un voisin blanc ! Mais pas pour avoir abattu la jeune infirmière, dont le crime impar- donnable est d’être Noire. Comme l’écrit The Organizer (28 septembre) : « Quels que soient les détails contestés par la police et le procureur général dans le but de justifier le meurtre de Taylor, leur comportement bien connu fait par- tie d’un modèle enraciné de mépris fatal pour la vie des Noirs. Même l’acte d’accusation pour “mise en danger imprudente” citait les coups de feu tirés dans la maison du voisin blanc, et pas ceux tirés dans l’appartement d’un voisin noir. Les meurtres racistes et toutes les formes de brutalité policière ne prendront fin que lorsque les populations ouvrières et noires auront pris le contrôle de la sécurité publique et de l’appli- cation de la loi et que les budgets actuels de la police seront transférés aux services sociaux. Nous ne pouvons pas revendiquer moins que cela. Justice pour Breonna Taylor ! De l’argent pour les services sociaux, le logement et l’éduca- tion, pas pour les flics ! »
annoncé que les bulletins de vote par corres- pondance qui arriveront le 3 novembre ou plus tard ne seront pas comptabilisés, ce qui signi- fierait invalider le vote de millions d’électeurs. Trump et son fils Donald Junior mobilisent une “armée d’observateurs bénévoles” pour perturber le scrutin. En Virginie (où le vote a commencé le 21 septembre), les partisans de la “coalition patriote” pro-Trump – certains portant des armes – organisent des “haies d’honneur” devant les bureaux de vote, avec pancartes, drapeaux, hurlements et menaces à l’encontre des électeurs. »
Pour The Organizer, qui était partie pre- nante de la conférence nationale de militants ouvriers et de militants noirs qui combattent pour la rupture du mouvement syndical avec le Parti démocrate, les 19 et 20 septembre, « il est du devoir de la classe ouvrière et de ses orga- nisations de défendre les droits démocratiques (dont le droit de vote) arrachés de haute lutte par les travailleurs ».
The Organizer invite ses lecteurs à propo- ser à l’ordre du jour de toutes les instances syndicales, à tous les niveaux, de discuter de ce que « le mouvement syndical, seule expression organisée de la classe ouvrière, doit prendre la tête de la lutte contre le coup d’État que Trump prépare. C’est sa responsabilité de convoquer des manifestations et des grèves de masse – y compris la grève générale – si Trump refusait de démissionner en cas de défaite, comme il l’annonce depuis des semaines ». n
Avec nos correspondants aux États-Unis
* Les Proud Boys (les « gars fiers ») marchaient en 2017 à Charlottesville à l’appel du Ku Klux Klan et attaquent physiquement aujourd’hui les manifestants de Black Lives Matter.
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Justice pour Breonna Taylor !
Cela s’est passé plus de deux mois
avant le meurtre de George Floyd par la police de Minneapolis (Minnesota). Dans la nuit du 12 au 13 mars 2020, à Louisville (Ken- tucky), la police fait irruption sans prévenir dans un appartement qu’elle soupçonne abri- ter un trafic de drogue et ouvre le feu. Breonna Taylor, une infirmière noire de 26 ans, est tuée pendant son sommeil de huit balles dans le corps.
Les avocats de la famille accusent la police de s’être trompée d’appartement. Des manifesta- tions de protestation seront alors organisées à Louisville pour demander que justice soit faite.
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Le mouvement syndical doit prendre la tête de la lutte contre le coup d’État que prépare Trump
  Interpellé sur la milice armée blanche raciste les Proud Boys*, Trump s’est adressé à ses membres : « Restez en retrait, et tenez-vous prêts ! »
Comme le rapportent les militants de Socialist Organizer dans leur journal The Organizer (25 septembre), « depuis des semaines, Trump proclame ouvertement qu’il ne reconnaîtra pas les résultats d’une élection dont il ne serait pas proclamé vainqueur. Il a
     Guadeloupe Covid-19 : l’UGTG dénonce un « mensonge d’État »
     Dans un communiqué du 2 octobre signé par Eli Domota, son secrétaire géné- ral, l’Union générale des travailleurs de Guadeloupe, dénonce :
« Lors de leur dernière conférence de presse, le préfet et la directrice de l’agence régionale de santé (ARS) ont annoncé 57 décès depuis le début de l’épidémie dont 15 pour cette dernière semaine. Ne faisant aucunement confiance aux représentants du système colo- nial, habitués aux mensonges d’État (sonjé
klòwdékòn*), nous avons pris le temps de consulter le site Géodes Santé publique France qui recense l’ensemble des “chiffres-clés” rela- tifs au Covid-19.
Ainsi, ce ne sont pas 57 morts qui ont été recensés en Guadeloupe mais 69 décès (source Si-vic, système d’information pour le suivi des victimes – ndlr) depuis mars 2020. Ce sont 50 personnes qui ont perdu la vie en sep- tembre 2020, en Guadeloupe, dont 20 dans la semaine du 22 au 29 septembre alors que la Martinique compte 21 décès au total depuis mars 2020 (...).
Ainsi, nous sommes face à un mensonge d’État, une manipulation des chiffres pour tromper la population quant à la gravité de la situation, quant à la défaillance du système de santé et surtout pour exonérer les services de l’État de leur responsabilité (...). Nous l’avons compris, il faut sauver le soldat Denux (direc- trice de l’ARS – ndlr), il faut sauver l’ordre colo- nial, il faut sauver le mensonge et le crime au mépris de la justice, au mépris du droit à la vie.
Oui, chacun devra assumer ses responsabi- lités et toutes ses responsabilités et l’UGTG y veillera, sans relâche.
Oui, l’UGTG affirme que les services de l’État, préfecture, ARS, CHU sont coupables d’un véritable crime contre la population guadeloupéenne pour avoir mis en danger les Guadeloupéens, pour avoir laissé mourir plusieurs dizaines de personnes et en cachant la vérité sur les capacités réelles du système de santé à prendre en charge la population en détresse. L’UGTG réclame justice et vérité pour toutes les victimes et prendra toutes les mesures visant à combattre ces dérives inac- ceptables de l’État. » n
* En créole : rappelez-vous le chlordécone,
cet insecticide utilisé dans les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique, responsable de dizaines de milliers de cancers, que l’État colonial français a laissé utiliser jusqu’en 1993 (alors qu’il était interdit en métropole depuis 1990, et aux États-Unis depuis 1976 – ndlr).
Eli Domota, photo UGTG
Kanaky/Nouvelle-Calédonie
Le 4 octobre avait lieu le deu- xième référendum prévu par les accords de Nouméa de 1998. Avec 85,64 % de participation, le non à l’indépendance n’est passé cette fois-ci qu’à 53,26 % (56,7 % lors du premier référendum le 4 novembre 2018). Le oui à l’in- dépendance est en progression dans la quasi-totalité des trente- trois communes de la colonie française de l’océan Pacifique. Nous y reviendrons la semaine prochaine.
  



















































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