Page 21 - TPE SOUVENIRS ET MEMOIRE
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Les souvenirs de notre petite enfance ont laissé des traces dans notre hippocampe
encore immature, qui les a triés puis stockés dans notre cortex préfrontal.
Pourtant, nous sommes tous incapables de nous souvenir de nos premiers pas, de nos
premières paroles. La science appelle ce phénomène « l’amnésie infantile ». Ceci est
un paradoxe car nous savons que les jeunes enfants ont des capacités d’apprentissage
très importantes et que les premières fois devraient être des instants inoubliables.
Cela fait 100 ans que les scientifiques n’arrivent pas à expliquer ce constat. Certains
pensent que la mémoire ne peut être correctement stockée si elle n’est pas décrite
avec des mots, donc avant l’acquisition du langage. D’autres pensent que cette
acquisition même du langage est à l’origine de bouleversements dans notre cerveau et
efface nos premiers souvenirs. Enfin, certains imaginent que l’autobiographie ne peut
commencer qu’à partir du moment où l’enfant se reconnait bien, c’est-à-dire vers les 3
ans...
Une expérience a prouvé que nos premiers souvenirs n’ont pas disparu. Alessio
Travaglia, de l’Université de New York, a réussi à faire resurgir des souvenirs de toute
petite enfance chez des rats.
Une population de jeunes et de rats adultes a été placée dans une cage. Lorsqu’ils
s’approchaient d’un certaine zone, ils recevaient des décharges électriques. Après
plusieurs secousses, les adultes avaient mémorisé le danger : ils évitaient la zone,
même plusieurs semaines après les premiers chocs. En revanche, chez les jeunes, une
fois devenus adultes, ce souvenir semble avoir disparu : ils passent dans la zone sans
se rappeler du danger. L’amnésie infantile existe donc chez le rat, qui n’a ni langage,
ni conscience de soi très élaborée.
Mais si l’on provoque une petite décharge chez les rats devenus adultes avant de les
remettre en cage, ils évitent la zone : leur souvenir de petite enfance est revenu. Le
cerveau des mammifères est très proche du notre, donc cette expérience est aussi
valable pour les humains : notre mémoire infantile est donc conservée quelque part
dans notre cortex cérébral…
Nous pouvons nous demander si une décharge électrique n’est pas un événement
traumatisant chez le rat… Les chercheurs répondent qu’il est possible, mais émettent
l’hypothèse que nous pouvons nous souvenir de tout, ou presque.
La vraie question, selon eux, serait plutôt "quel est le bon stimulus pour raviver le
souvenir qui y est associé…".
Comme le souligne Alessio Travaglia, "nos premiers souvenirs forgent notre hippocampe,
ils en impriment les circuits. Ils sont à la base de toute notre mémoire et il est fort
probable qu’ils puissent agir de manière inconsciente sur notre humeur ou nos sensations".
Brigitte Potier acquiesce cette hypothèse et imagine qu’il faudrait faire la même
expérience en suivant des animaux sur du long terme afin d’observer leurs
comportements à l’âge adulte en fonction de leurs traumatismes de petite enfance…
Nous pouvons donc en conclure que nous cachons tous nos premiers souvenirs, et
qu’un stimulus « magique » pourrait les ressusciter. Ce stimulus peut prendre
différentes formes. Nous pouvons, par exemple, évoquer le goût, en pensant à la
saveur d’une madeleine trempée de thé (de Proust).
Des souvenirs durant notre vie fœtale ?
Même si leurs sens sont limités, les fœtus ont des souvenirs intra-utérins. Ils
mémorisent des sons, de la musique, ou la voix des parents. Selon les chercheurs, ils
auraient une mémoire courte (10 minutes) à partir de la 34ème semaine, et une
mémoire longue dès la 38ème. La variété des sons perçus durant cette période de la vie
aiderait à une bonne maturation du système auditif, et donc du langage…
MAÎTRE Elizabet, RODRIGUEZ Salomé, DURIF Justine 1ère S3 - TPE - Lycée Max Linder - Page 21