Page 16 - La Première Reine - Prologue
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son cœur. Ce soir, elle partagerait son lit et cette simple idée
lui donnait envie de mourir.
Pendant ces deux mois, elle ne s’était jamais permis de se
laisser aller à la mélancolie et au désespoir. Si elle flanchait
maintenant, elle n’imaginait même pas ce qu’il resterait d’elle
après quelques années de mariage.
Elle avait discuté avec son père, lui hurlant d’abord
dessus, l’accusant d’avoir gâché sa vie. Puis une fois sa colère
calmée, elle avait écouté ses explications pour sa défense et
lui avait pardonné, parce qu’il était son père, parce qu’elle
l’aimait, parce qu’il semblait aussi dévasté qu’elle par ce qui
leur arrivait.
Elle avait ensuite beaucoup parlé avec sa mère et avait
réussi à convaincre son futur mari, par lettres échangées, de
signer un contrat de mariage, prétextant que c’était la
coutume en Amérique. Elle fut assez généreuse dans ce
contrat pour pouvoir y glisser quelques alinéas importants
pour elle, offrant, en compensation, une partie de ses
investissements en guise de dot ainsi que des terres sur le
continent outre-Atlantique qui avait appartenu à sa mère.
Elle avait très peu dormi la veille et cela se lisait sur son
visage ce matin. Des cernes violacés marquaient sa peau
encore plus blanche que d’habitude. Tant mieux ! Que tout le
monde sache qu’elle n’était pas là par plaisir. Elle entendait
les domestiques soupirer et sourit. Elle savait qu’elle allait
piétiner la tradition des deux pieds et cela était évidemment
son but. Lentement, elle rabattit son voile noir sur son visage
et se leva, faisant froufrouter l’impressionnante traîne dans
son dos. Sa robe avait fait hoqueter d’horreur la couturière,
mais on ne refusait rien à la fille d’un duc. Eleanor en était
très fière, c’est elle-même qui l’avait dessinée. La coupe en
était simple, le col montant ne dévoilait absolument rien de
sa peau claire, de même que ses manches serrées. C’est avec
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