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Bâle : un million de roses
écarlates pour un génie
géorgien
A la fois grand solitaire énigmatique et objet d’innombrables Bien que déjà relativement connu à Tbilissi, à
mythes, Niko Pirosmani (en géorgien : , l’époque considérée comme le «Paris du Caucase»,
1862 – 1918) est à découvrir à la Fondation Beyeler dans la cadre Pirosmani ne gagnera une certaine notoriété
de la plus grande exposition internationale jamais consacrée à cet qu’après 1913, soit à plus de 50 ans, quand
artiste, une icône à l’Est mais relativement peu connu du public ses surprenants tableaux sont exposés lors de
de l’Ouest. D’ores et déjà, cette exposition s’annonce être un des l’exposition très remarquée «La Cible» à Moscou,
événements culturels majeurs, à l’échelle européenne, de cette fin aux côtés de ceux de Marc Chagall, Natalia
de l’année 2023. Gontcharova et Kasimir Malevitch . Pourtant, le
projet de présenter l’œuvre de Pirosmani à Paris
Pirosmani, un précurseur, sans doute malgré lui, de l’art doit être abandonné à cause de la première guerre
moderne fait l’objet d’une quasi-vénération tant parmi ses mondiale. Il ne sera exposé au Louvre qu’en 1968,
simples admirateurs que parmi des spécialistes de l’avant-garde. soit un demi-siècle après sa mort.
Dans son pays natal, Nikolos Pirosmanachvili de son vrai nom,
est célébré comme un héros national jusqu’à figurer sur les On ne connait pratiquement qu’une seule photo
billets de banque. authentifiée de lui prise en 1916, et qui paraît
dans la presse géorgienne avec pour légende
Pourtant, nous ne disposons que de peu de faits avérés. Né dans «Niko Pirosmanashvili, le peintre du peuple».
une région vinicole géorgienne de Kakhétie en 1862, fils de Peu de temps après, le même journal publie une
paysan, en 1870 Pirosmani perd l’un après l’autre ses deux parents caricature de Pirosmani le représentant comme
et son frère aîné. Après le déménagent à Tbilissi, Pirosmani, qui un primitif aux pieds nus. Profondément vexé, il
maitrise le géorgien mais aussi le russe, apprend à peindre de rompt avec les milieux artistiques institutionnels,
manière autodidacte et à se former au métier de typographe, tout avec lesquels il entretenait des relations déjà
en travaillant pour les Chemins de fer transcaucasiens reliant complexes.
Tbilissi à Bakou, et tout en tenant une laiterie. Toute sa vie,
Pirosmani est resté pauvre. Il n’hésitait pas à exercer des métiers Son talent, sa solitude, son existence menée au
ordinaires, dont celui de peintre en bâtiment ou d’intérieur. jour le jour et son attrait pour l’alcool qui s’est
développé au fil des ans ont fini par l’épuiser.
Mauvais et malchanceux dans les affaires, il peint des enseignes, Après l’errance dans l’anonymat volontaire
notamment celles des tavernes, ainsi que des portraits de à travers Tbilissi, ce bohémien vagabond,
commande, alors que son propre atelier de peinture se révèlera très incapable ou simplement n’ayant pas l’envie
vite être un échec. Alors, sans domicile fixe, Pirosmani entame une de s’intégrer à la société, décède en avril 1918,
vie nomade au cours de laquelle il obtient le gîte et le couvert dans à l’âge de 55 ans, dans le dénuement et la
des auberges qu’il décore de ses tableaux faute de pouvoir payer son pauvreté. Son lieu d’inhumation précis reste
logement en argent. inconnu.
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