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Texte : Yury OBOZNY
Selon une belle légende romantique,
toutefois non confirmée, Pirosmani
vend tous ses biens par amour pour
Aujourd’hui encore, il est décrit, de manière la chanteuse et actrice de cabaret
plutôt erronée, comme un marginal touché par française Marguerite de Sèvres, 20
folie ou alors glorifié comme un génie méconnu. ans, en tournée à Tiflis en 1905, afin
de lui offrir un million de roses et de
Pirosmani a développé une approche artistique gagner son baiser.
très personnelle, travaillant avec des matériaux
le plus souvent négligés par des artistes, comme La chanson «Un million de roses
une toile cirée noire de haute qualité produite écarlates», librement inspirée de cette
normalement pour des besoins industriels. Il a histoire, sur les paroles en russe d’un
également peint sur du carton, des assiettes, et, poète moscovite et la musique d’un
rarement, sur de la toile classique. La toile cirée compositeur letton, interprétée par
restait cependant son support préféré, la durabilité la diva de la musique pop soviétique
et l’élasticité de cette matière ayant contribué à la Alla Pougatcheva, est devenue dans les
conservation de son œuvre. années 1980 un hit quasi-planétaire,
avec une centaine de versions dans
Avec ses tableaux, l’instar du « Douanier » une multitude de langues, dont
Henri Rousseau, Vincent van Gogh ou Marc plusieurs en japonais. Pour les
Chagall, Pirosmani transformait le quotidien en auteurs, il n’était pas nécessaire de
merveilleux. Avec des couleurs éclatantes sur un mentionner expressément le nom
fond noir, il a peint de véritables icônes d’une de Pirosmani dans le texte, tant cette
intensité ardente, aussi frontales et immédiates histoire, à vocation universelle, était
que fascinantes et mystérieuses. Pourtant, bien que connue de tous.
profondément religieux, Pirosmani n’a pas représenté
de saints ou de sujets religieux. Il s’est concentré sur D’après une autre légende, Margarite
ses contemporains, des résidents de Tiflis (le nom de Sèvres, âgée de plus de 80 ans, a
ancien de Tbilissi) et des villages de Kakhétie. visité l’exposition du peintre géorgien
au Louvre en 1968, pour pleurer
Il y a autant d’éléments réels que surréalistes dans devant son propre portrait signé
son œuvre. Souvent, les personnes et les animaux Pirosmani.
peints par Pirosmani nous observent de manière à
la fois insistante et détachée. Certains spectateurs
voient dans leurs yeux le regard de l’artiste lui- Niko Pirosmani
même. A vous de le déchiffrer et de l’admirer à 17 septembre 2023 – 28 janvier 2024
Bâle jusqu’au 28 janvier 2024. www.fondationbeyeler.ch
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