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Alolse Un prénom, aujourd'hui
un grand nom de 1'Histoire de 1'Art!
ausanne, sa yule natale, lui Porret-Forel (qu'elle appelait vedettes sont justement AloIse et un
consacre deux expositions << l'ange Forel >>), qui l'encoura- autre Suisse, le Bernois Adolf Wölfli.
majeures a l'occasion d'un gea dans cette voie et lui consacra L'hommage a Aloise se déroule dans
L catalogue raisonné électro- sa these et, on peut le dire, toute ce musée sis sur les hauts de Lau-
nique de son ceuvre (2000 compo- sa vie. Cette dernière présenta ses sanne ainsi qu'au musée cantonal des
sitions) qui vient d'être mis en ligne. dessins a Jean Dubuffet qui, très Beaux-Arts dans le Palais de Rumine
Mais qui aurait pu imaginer que cette vite, se passionna pour son ceuvre A la Place de la Riponne. Deux exposi-
petite vieille toute fripée, internee et en fit l'icOne de ce qn'il avait hap- tions a la fois très complémentaires et
dans un asile psychiatrique pour ses tisé l'Art Brut, a savoir, la creation de très différentes. Dans la premiere, on
excentricités, son pacifisme très mal personnalités souvent psychotiques et circule dans une atmosphere sombre
vu en pleine Premiere Guerre mon- schizophrènes (même s'il était persua- et intimiste an milieu des oeuvres, frO-
diale, son mysticisme délirant et ses dé qu'AloIse << simulait >> pour se pro- lant les grands panneaux verticaux de
amours imaginaires avec Guillaume téger et n'était pas du tout folle), éloi- papiers cousns oü se déronlent comme
II, qui aurait Pu imaginer qu'AloIse gnées de toute formation artistique. des fresqnes les rêves délirants
Corbaz (1886-1964), qui marmonnait On pense a des dessins d'enfant, mais d'AloIse. An mnsée des Beaux-Arts,
des mots incompréhensibles en recoil- us sont en réalité bien plus complexes les grandes salles anx hauts plafonds
vrant des rouleaux de papier d'embal- car nourris de l'expérience - en géné- accueillent les oeuvres selon un ordre
lage de figures étranges, oui, qui aurait ral douloureuse - de l'existence. chronologiqne.
Pu imaginer qu'elle allait connaltre
un pareil destin et surtout une tefle Inauguré en 1976, le musée de l'Art Dans les deux expositions, l'il se
consecration? Brut - dont l'origine provient du fonds promène émerveillé et dérouté an
Dubuffet lui-même - présente une milieu de la cosmosgonie d'AloIse,
Son talent unique fut remarqué très collection d'oeuvres d'artistes margi- un univers coloré et fantasmago-
tot par la doctoresse Jacqueline naux du monde entier, mais dont les rique peuplé de sphinx, de sirènes,
de Pères Noel, et surtont de couples
enlacés - femmes aux seins généreux
et a la bonche pulpense, princes d'opé-
rette en uniforme - avec leurs yenx
bleus vides (<< An théâtre, on a tou-
jours les yenx bleus )>, disait AloIse).
Paons, papillons, éléphants, chevaux
complètent ce decor orné de fleurs et
de symboles érotiques.
Si le traitement est naïf on expres-
sionniste, la composition est savante
et éqnilibrée, le trait sür (comme on
peut le verifier d'aillenrs dans l'nne
des videos oü Pon voit l'artiste a
l'cuvre). AloIse était peut-être psy-
chotiqne, elle n'en était pas moms
cnitivée. Tout un bagage qui lui vient
de ses etudes secondaires et snrtont
de son poste de gouvernante a la cour
de l'emperenr Guillaume II - dont elle
était tombée amonrense en secret ! -
A Potsdam an château de Sans-Sonci.
Ce monde va hanter toute sa vie et
toute son oeuvre, jnsqn'à la rendre
folle. Ses peintnres sont trnffées de
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