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OUI, JE CROIS

        Oui, je crois que je vais partir plus tôt ! Oui, je crois que je vais
        partir plus tôt ! Oui, je crois que je vais partir plus tôt ! Oui, je
        crois que je vais partir plus tôt ! Oui, je crois que je vais partir
        plus tôt ! Partir ! Oui ! Plus tôt !

        Oui, je crois que je vais partir plus tôt ! Partir ! Plus tôt ! Oui,
        je vais partir plutôt avant qu’il ne soit trop tard. Avant que ma
        bonne étoile ne soit fauchée et que le temps ne tienne plus en
        place et que moi, je reste, sur le bord d’une plage au regard
        écumeux, sablée au soleil d’été, salée de souvenirs imparfaits
        d’un passé composé de décomposés renouvelés.

        Oui, au partir plus tôt que pas du tout. Un partir et se lever
        tard plus tôt, sans qu’il soit trop tard. Je ne rêve pas de partir.
        Je suis déjà parti sans partir. D’un pas à un autre, la racine du
        partir   s’arrache   comme   une   dent   rétive   à   l’instant   de   la
        première lettre, l’action s’est réalisée.

        Oui, je crois quand même que je vais partir plus tôt. Partir du
        départ de la fin déjà engagé dans la mémoire qui défile sur
        l’ondulation d’un quai du rêve, case de tous les possibles et des
        impossibles. Ou plutôt, rester ici. Ici ou ailleurs ? Ailleurs c’est
        aussi une autre construction d’un ici, nouveau. Alors, ailleurs
        ou ici, pareil au même.

        Oui,   plutôt   partir   que   mourir   rouillé   aux   bras   croisés   de
        l’indifférence,   à   l’injustice   pignon   sur   rue,   à   la   flamme   du
        mensonge  qui   lèche   toutes   les  devantures  des   visages,   aux
        desseins   d’une   fin   commune,   au   sexe   épilé   de   la   pensée
        unique,   aux   odeurs   synthétiques   de   l’information   et   de
        l’alimentaire, à la plastique fumante de notre indécent déficit
        public, au paradoxe du vivre mieux à coûts exorbitants et ne
        plus   avoir   un   rond   en   début   de   mois,   à   62l'élite   diplômée
        incompétente   dont   la   morale   est   semblable   au   sixième
        continent…
        Oui, partir tôt après s’être douché à grande eau le cerveau et
        la peau des impuretés de ce monde, ange et démon, la valise
        vide et l’ondulation d’un ventre sur une autre dune, les bras en
        fleuve,   les   mains   berges,   l’eau   du   désir   en   ébullition,   et
        reconquérir   un   nouvel   Amour   de  la   Vie   du  Partage   comme
        deux nombrils qui s’embrassent, aux lèvres qui sculptent le
        premier baiser pour un nouvel envol.
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