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CROISEMENT
« Rien ne va plus, les jeux sont faits » et pour l’autruche aussi
qui vient de percuter mon pare-choc. J’ai tout perdu au jeu,
même la montre offerte par mon frère disparu, tant aimé.
Je crois que je vais vomir mon repas tagliatelle. Mais bon, je
suis fait de ce bois dur de l’alpha que l’oméga ne pourra
pourrir.
Je m’arrête et vois les dégâts. Pas beau à voir. La plume du
rachis à l’étendard fait un drôle de jus, la chair broyée, pétrie,
rompue, pilée, écrasée, et du sang d’un foncé carmin… Bon
appétit. Je crois que je vais vomir mon repas tagliatelle.
Combien de témoins ? Je ne sais pas. La route est peu
fréquentée par ici. Et pourtant, une femme se présente :
Madame Bovary. Je ricane. Je lui fais répéter. Elle me dit à voir
vu la totalité de la scène. L’autruche est dans son tort. Elle me
le confirme. Pourtant je me demande si son taux d’alcool est
raisonnable.
— Vous n’aurez pas de besoin de maquiller l’accident. Mon
témoignage est de grande valeur.
Puis, elle fait quelques pas en arrière. Ouvre son sac et en sort
un carte de la région. Elle l’étale sur le goudron.
— Venez voir. J’habite ici. Vous pouvez venir me voir, si cela ne
vous fait pas peur.
Elle sourit. Un sourire vraiment édenté. Je crois que je vais
vomir mon repas tagliatelle. Elle devrait carrément se faire
coudre la bouche. Je réponds que je n’ai pas le temps et que je
vais ramasser les restes de cette volaille et passer à la
pharmacie pour prendre un antiémétique.
Elle m’écrit sur un morceau de papier son numéro de
téléphone. Elle me sourit une nouvelle fois. J’évite son regard.
Et me pose la question si vraiment, elle n’est pas en état
d’ivresse.
Je fais peut-être mon ringard, sans un merci. Je la vois partir.
Sa voiture n’est pas en état de rouler, non plus, apparemment.