Page 11 - Le Japon avril 2019
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Les œuvres, par exemple l’installation géante de Bruce Neuman, intitulée « 100 Live and Die », composée de néons multicolores associant par couple cent mots, tels que « eat », « love » ou « old » clignotant en combinaison avec « live » et « die », prennent de plus en plus de relief au fil des heures de la nuit.
Peu à peu, l’île minuscule, avec son hôtel-musée et ses deux ports de pêche aux maisons traditionnelles, Miyaura et Honmura, est devenue un lieu de prédilection pour nombre d’amateurs d’art et de paix, et ce, malgré des tarifs pour le moins dissuasifs. Pour répondre à la demande, un deuxième hôtel au bord de l’eau et un spa se sont ouverts. Puis monsieur Fukutake et son compère, Tadao Ando, ont lancé trois autres projets.
Malgré tout son charme, Naoshima, comme les îles voisines, ne réussit plus à maintenir sur place les nouvelles générations. La pêche périclite. Les jeunes s’en vont vers les grandes métropoles du Honshu, Osaka, Kobé, Kyoto ou les villes, elles aussi dynamiques, du Shikoku, par exemple Takamatsu, cité d’une modernité sidérante, ou du Kyushu. Les vieilles demeures familiales se ferment inéluctablement.
Ainsi est né le « Art House Project ». Chacune de ces maisons abandonnées a été, depuis une dizaine d’années, investie par des artistes, sous la forme d’installations pérennes.
Le cahier des charges est clair : ils doivent non seulement travailler en fonction de l’espace, mais aussi de son histoire et du génie du lieu. Parmi les intervenants, se trouvent certains des artistes les plus aptes à jouer le jeu, qu’il s’agisse d’étrangers, comme James Turrell, associé à Tadao Ando ou de Japonais.
Tel Hiroshi Sugimoto, qui a investi le sanctuaire shintoïste Go’o : un autel très dépouillé se dresse tout en haut d’un escalier de verre émergeant d’une crypte de pierre, laquelle incite au plus grand recueillement.
Yoshihiro Suda a choisi une petite maison où se réunissaient jadis les joueurs de go. Comme souvent au Japon, l’espace, réparti en deux chambres, ne comporte que quelques tatamis. L’une est quasiment vide, à l’exception d’une branche barrant l’entrée. De l’autre côté sont délicatement posés à même les tatamis des camélias sculptés dans le bois, lesquels font écho aux fleurs de l’arbre planté dans le jardin, qui prennent au printemps cinq teintes légèrement différentes. Le nom de ce site ? Gokaisho/Tree of Spring.
Le troisième grand projet, toujours mené par Soichiro Fukutake et Tadao Ando, est le Chichu Art Museum, avec Claude Monet en « guest star ». Quant au quatrième, tout aussi pharaonique, il est consacré à Lee Ufan, artiste japonais d’origine coréenne...
Nouvel Obs/ Nov 2010