Page 12 - Le Japon avril 2019
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Musée d’art de Chichu
Il suffit de marcher quelques minutes vers le nord-ouest de l’île de Naoshima, à partir de la Benesse House, pour atteindre un autre édifice conçu par Tadao Ando si discret que nombre de visiteurs n’en voient pas l’entrée !
L’architecte ex-boxeur affectionne particulièrement l’esquive, le « shadow-boxing ». Il est un adepte de « la culture du chemin » qui induit, comme toujours au Pays du Soleil levant, une entrée dérobée.
En japonais, chichu signifie « dans le sol ». Ando a volontairement enterré cet autre lieu d’exception pour préserver le paysage originel. Nulle trace de bâtiment.
On pénètre dans le Chichu Bijustsukan - Musée d’Art de Chichu - par un haut portail découpé dans un écran de béton posé dans le paysage, avant d’atteindre de longs corridors seulement éclairés par des meurtrières étroites qui accentuent encore l’effet de perspective, puis de dévaler des escaliers menant à une gorge profonde, triangulaire, couverte de calcaire, où le soleil semble pénétrer par effraction. Un « jardin sec », très sec. La hauteur des murs ? 12 mètres. Musée ? Eglise ? Ou hôpital ? ? ?
Les hôtesses qui vous accueillent sont toutes revêtues d’une longue blouse blanche, d’un pantalon blanc, chaussées de tennis blanches. Toutes jeunes, menues, transparentes. L’uniforme est signé Taishi Nobukuni, célèbre designer de mode, qui a voulu à la fois « transcender les clivages des sexes, du temps et du lieu », puisque le Chichu Art Museum a été conçu pour durer au moins 1 000 ans.
Premier mot d’ordre intimé par ces charmantes vestales : « Silence ! ». Interdit de rire trop fort, de parler à haute voix. Et aussi, cela va de soi, comme il est spécifié sur le carton de présentation remis à l’entrée, interdit de toucher aux œuvres, de filmer, de photographier et de reproduire celles-ci ; d’utiliser des stylos à encre ; de fumer, de boire ou de manger hors des lieux prévus à cet effet, d’utiliser des téléphones portables, de se déplacer avec des sacs, que l’on doit déposer au vestiaire (gratuit).
Vous êtes en outre tenu d’obéir aux injonctions du personnel. Et celles-ci pleuvent, même si elles sont à peine murmurées. Ainsi faut-il, avant de pénétrer dans l’espace Claude Monet respecter la queue - le numerus clausus prévoit cinq visiteurs, pas un de plus -, puis quand vous y êtes convié, vous devez vous déchausser et mettre des
« charentaises ».