Page 40 - Le Japon avril 2019
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La Première Guerre mondiale et sa folie sanglante jetèrent à bas la confiance dans le Progrès humain et donnèrent naissance au dadaïsme et au surréalisme. La Seconde Guerre mondiale et la plaie béante qu'elle laissa dans la foi en l'Homme génèrent une nouvelle fascination pour l'absurde chez les artistes du monde entier.
La rationalité poussée jusqu'au vice ayant conduit à une inhumanité sans précédent, seul un retournement total des valeurs, une abolition des principes traditionnels pouvait encore permettre de revenir à l'Humain.
La scène japonaise d'après-guerre rappelle les univers d'Eugène Ionesco ou de Samuel Beckett, et partage avec eux la radicalité dans l'absurde. Elle remet en question la conception classique de la relation de l'Homme à son environnement.
Nul n'est prophète...
Les compagnies de danse butô sont moins connues au Japon qu'à l'étranger. AMAGATSU Ushio et IKEDA Carlotta sont parmi les danseurs les plus célèbres en Occident. AMAGATSU est le fondateur de la compagnie Sankai Juku qui participa au festival d'Avignon en 1981 avec la création Bakki ainsi qu'à la Biennale de danse de Lyon en 2012 avec le spectacle Umusuna.
Quelque chose de local
Expression d'une angoisse existentielle, le butô cherche son salut dans un retour à l'union primitive de l'homme et de la Nature. Puisque le progrès scientifique et technique a conduit à la barbarie des bombardements nucléaires d'Hiroshima (6 août 1945) et de Nagasaki (9 août 1945), le retour à la terre en sera l'exutoire.
Le corps du danseur se fait prolongement de la terre. Après tout, le terme butô signifie "danse qui frappe le sol". Ainsi, HIJIKATA développa la technique du ganimata, littéralement "jambes courbées". Il s'agit de danser en sentant le poids de la boue qui enveloppe ses pieds, la pesanteur de la terre collée contre son corps.