Page 22 - L’aventure, l’ennui, le sérieux V. Jankélévitch
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22 PRÉSENTATION
STYLE ET SYSTÈME : L’AVENTUREUX ET L’AVENTURIER
Telle est bien la compétence paradoxale de l’homme aventureux : l’improvisation. Compé- tence paradoxale, dans la mesure où, normale- ment, une compétence ne s’improvise pas, pas plus que l’improvisation ne s’enseigne comme une compétence. Une compétence est le produit d’une éducation, et doit être formée par un processus d’intériorisation et d’incorporation : c’est la capa- cité à œuvrer techniquement, en appliquant des règles apprises. Or, voici que l’homme aventureux improvise, quelles que soient les circonstances, comme si sa capacité propre était de n’en avoir aucune en particulier, mais de les pouvoir acqué- rir toutes en situation d’urgence.
C’est sur ce point fondamental que l’aventu- reux improvisateur se distingue de l’aventurier, ce dernier ne vivant pas d’aventures au véritable sens du terme, sur le mode de l’improvisation. L’aven- turier « tient bazar d’aventures », ayant domesti- qué le risque et la peur jusqu’à faire de l’aventure un commerce. De ce point de vue, le guide de
« l’aventure est liée à l’extemporanéité de l’improvisation ». Mais il l’évoque à de multiples reprises dès qu’il est question de musique. Voir « Aventure et improvisation », L’Irréver- sible et la Nostalgie, op. cit., p. 248-250, et Quelque part dans l’inachevé, Gallimard, 1978, chap. IV (cf. Dossier, p. 373 sq.).
 





























































































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