Page 26 - L’aventure, l’ennui, le sérieux V. Jankélévitch
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une virtuosité tout involontaire, qui n’est pas le produit d’une recherche de l’effet. Pourtant, il accède à une authentique musicalité de l’expres- sion. Soutenue par les échos immémoriaux de mots choisis avec un soin d’orfèvre, cette forme inattendue de l’exposé philosophique se fait à la fois musique et pensée, pour rendre compte de l’aventure mélodique 1 des vies qui se rencontrent.
PHÉNOMÉNOLOGIE DE L’AVENTURE : L’AVÈNEMENT DE L’AVENIR
Si l’aventure nécessite du courage, celui de rompre avec le confort de l’habitude – l’aventure disparaît au moment où elle redevient une habi- tude –, elle n’apparaîtra jamais à celui qui s’y lance avec le sérieux de la témérité (l’aventu- risme). Comment dès lors la saisir dans cet entre- deux ? La réponse de Jankélévitch est claire : nulle part, parce qu’elle est cet entre-deux et l’espace de jeu qui conduit alternativement d’un pôle à l’autre de cet espace. L’aventure est la
1. C’est Bergson qui compare la vie à une mélodie où les vécus sont fondus les uns dans les autres telles les notes de musique, qui ne se succèdent pas mécaniquement comme des perles sur un collier mais résonnent l’une dans l’autre, l’une par l’autre (Essai sur les données immédiates de la conscience, op. cit., chap. II, p. 55, et les notes de R. Ehrsam, p. 54).