Page 29 - L’aventure, l’ennui, le sérieux V. Jankélévitch
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L’AVENTURE – V. JANKÉLÉVITCH 29
rapport éthique. L’aventure n’est ni dans l’un ni dans l’autre rapport exclusivement, ni au milieu, comme on pourrait le penser sur le modèle du juste milieu qui sert d’ordinaire à caractériser l’éthique d’Aristote, ni dans la réconciliation syn- thétique du jeu et du sérieux. En effet, une telle synthèse ne correspondrait à aucune expérience vécue, dans la mesure où le jeu et le sérieux s’excluent et luttent sans réconciliation possible, quand bien même il y aurait du sérieux dans le jeu et une part de jeu dans le sérieux. Ce n’est donc pas la synthèse dialectique de Hegel qui permet de penser la réalité vivante de l’aventure – comme l’avait bien compris déjà Kierkegaard (1813-1855) 1. Même si un hégélien peut éventuel- lement rendre compte du mouvement spirituel de l’aventure, à considérer qu’elle referme l’opposi- tion du jeu et du sérieux dans une synthèse, chez Hegel, le sérieux de la fermeture triomphe, puisque c’est la raison qui procède à la synthèse dialectique, en s’appuyant sur la longue durée de l’Histoire, où se manifeste un sens qui correspond au processus progressif de la spiritualisation de la
1. Pour découvrir la pensée de Kierkegaard, on peut uti- lement se reporter à l’anthologie de Jean Brun : S. Kierke- gaard, L’Existence, PUF, 1962. Jankélévitch l’avait lu de près, et l’avait connu notamment grâce aux travaux de son ami philosophe Jean Wahl (1888-1974), qui contribua à le faire découvrir au public français.
 































































































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