Page 31 - L’aventure, l’ennui, le sérieux V. Jankélévitch
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L’AVENTURE – V. JANKÉLÉVITCH 31
fin, ce en quoi elle ressemble plutôt au mouve- ment indécis et aventureux de la caresse : dans Totalité et Infini, Emmanuel Levinas comparait cette dernière à une « marche à l’invisible 1 ».
Il est donc de l’essence même de l’aventure de ne vouloir jamais s’éteindre et, à cet effet, il faut que le sérieux ne prenne jamais le dessus, sans quoi il ennuie le joueur, qui quitte la partie. Sans doute le sérieux est-il comme le vent pour la flamme de l’aventure : il éteint la petite et attise la grande, d’une part ; il nourrit la flamme qu’il alimente en juste proportion, mais éteint celle sur laquelle il veut prendre le dessus, d’autre part.
1. Voir la section B de la quatrième partie de Totalité et Infini, œuvre qui a paru en 1961, peu de temps avant L’Aven- ture, l’Ennui, le Sérieux. Levinas était très proche de Janké- lévitch, dont il a suivi les cours. On peut lire pour plus de détail l’article de Joëlle Hansel, « “Élection” et “exception” : l’unicité du moi selon Levinas et Jankélévitch », in Fl. Bas- tiani (dir.), Bergson, Jankélévitch, Levinas, Manucius, 2017, p. 190-202. Il faut préciser que, là où Levinas oppose fronta- lement l’idée de totalité et celle d’infini, il y a chez Jankélé- vitch totalité et totalité, dans une perspective tout à la fois nietzschéenne, bergsonienne et simmélienne, qui distingue la totalité mécanique (le système) et la totalité organique (le style), qu’il lui arrive d’appeler joliment « totalité allusive ». Voir sur ce point le chapitre I de son Henri Bergson, op. cit. ; L’Ironie, Flammarion, 1964, p. 98 ; et les commentaires de Philippe Grosos, « Vladimir Jankélévitch ou le charme des totalités allusives », Questions de système, Lausanne, L’Âge d’homme, 2008, p. 177-190.
 






























































































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