Page 40 - L’aventure, l’ennui, le sérieux V. Jankélévitch
P. 40
40 PRÉSENTATION
L’AVENTURE ESTHÉTIQUE ET L’ESTHÉTIQUE DE L’AVENTURE
Ce qui prémunit l’aventure contre cette mort par étiolement, c’est son esthétisation ludique. Le propos de l’auteur, ici, se renverse, dans l’archi- tectonique d’une dissertation dont la perfection et l’innovation dialectique laissent pour le moins songeur... L’aventure mortelle « pure » tout comme l’aventure esthétique « pure » n’existent pas : ce sont les bornes du spectre de l’aventure, où celle-ci cesse d’exister. Toute aventure n’est qu’un savant mélange de jeu ou de sérieux, ou plus dynamiquement, comme l’aventure amou- reuse, un renvoi pendulaire de l’un à l’autre.
Dans l’aventure mortelle, l’homme était tout entier à ce qu’il faisait, ce qui est la définition même du sérieux : l’application concentrée de la conscience pratique à une tâche à laquelle elle se donne. L’attitude sérieuse est du côté de l’imma- nence, de l’intériorité intropathique, où il s’agit d’éprouver des vécus (pathè) à même (intro) l’expérience aventureuse. L’aventure esthétique, au contraire, se détache de cette intimité imma- nente. Non qu’elle en sorte tout à fait, mais elle se tient sur son seuil, «à la fois dedans et dehors », où l’on retrouve l’alternative qui corres- pond au site même de l’expérience humaine de