Page 43 - Rebelle-Santé n° 213
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ÉDUCATION
Pas besoin d’être adulte ni même expert pour apprécier l'art. Même si le Musée parfois impressionne, les œuvres sont à portée de tous. C'est pour désinhiber les esprits que, depuis près de 30 ans et 235 numéros, la revue mensuelle Dada* propose ses initiations à l’art dès 8 ans, à la fois exigeantes et accessibles, ludiques et participatives. Indépendante depuis 2008, l'équipe organise aussi des ateliers et collabore avec de nombreux musées dans toute la France.
À35 ans, Antoine Ullmann est le rédacteur en chef de la revue Dada depuis dix ans. En passionné, il détaille sa démarche qui privilégie une approche sensible et décomplexée des œuvres tout en questionnant les rapports qu’entretiennent les artistes avec le monde et la place qu’ils occupent dans l’histoire de l’art.
Rebelle-Santé : Comment êtes-vous devenu le rédacteur en chef de la revue Dada ?
Antoine Ullmann : J’avais commencé en tant que sta- giaire dans la revue avant de devenir rédacteur. J’ai aussi été éditeur au Musée Guimet des arts asiatiques à Paris. La revue a été fondée à Lyon en 1991 par Héliane Bernard et Christian-Alexandre Faure, deux historiens spécialistes. Très vite, au douzième numéro, elle a été rachetée par les éditions Mango à Paris et rat- tachée ensuite au groupe Média Participations. Quand celui-ci a envisagé de s’en défaire en 2008, je leur ai proposé de racheter la revue et j’en ai poursuivi la pu- blication dans une structure indépendante, avec Chris- tian Nobial, qui était déjà membre de la rédaction. Aujourd’hui, nous sommes trois permanents à travail- ler sur l’édition de la revue, avec Laetitia Le Moine qui s’occupe de la rubrique « Artualités » sur l’actualité culturelle et qui coordonne les ateliers organisés dans des écoles, des bibliothèques ou des médiathèques. Autour de ce noyau, nous pouvons compter sur une équipe fidèle d’une douzaine d’auteurs réguliers, de trois graphistes et d’une correctrice, les mêmes depuis dix ans !
Pour s’initier à l’art, quelle est la méthode Dada ?
Depuis l’origine, l’ADN de la revue est de mêler his- toire de l’art et pratique de l’art. Ainsi, il y a toujours eu des pages pour proposer des ateliers en rapport avec le thème du numéro, pour permettre aux enfants de créer à leur tour, non pas en imitant tel artiste, mais en s’appropriant une démarche artistique pour l’exploiter chacun à sa manière. Même si l’art intimide, ce que tout le monde peut faire sans aucune connaissance ar- tistique, c’est regarder, décrire et définir ce qu’on voit, ce que ça nous évoque et ce que l’on ressent. Cette démarche sensible est à la portée de tous.
Ainsi, dans la revue, nous partons toujours d’œuvres précises, que nous observons et analysons, à l’inverse d’une approche documentaire plus classique où les œuvres servent souvent à illustrer les grandes périodes de la vie d’un artiste ou d’un courant. En prenant le temps de faire parler les œuvres, on peut ensuite les rattacher à des éléments plus biographiques ou thé- matiques.
Avec Dada, revendiquez-vous la filiation de Tristan Tzara et du dadaïsme ?
Dada, pour l’anecdote, c’est un mot tout simple qui a été choisi par les créateurs de la revue à la fois pour la référence au dadaïsme, mais également parce que c’est un mot du monde de l’enfance, qui évoque une passion, un dada.
Sans aller dans les formes radicales que les dadaïstes du début du XXe siècle ont pu explorer, nous emprun- tons surtout à Dada le principe de désacralisation et de non hiérarchisation de l’art. La rubrique « ABCD’art » est une rubrique assez représentative de cet esprit. Cet abécédaire qui se lit comme un texte à part entière a d’abord été conçu comme un carnet détachable avant d’être présenté en double page intégrée. À la place d’un glossaire un peu rébarbatif et technique, on choi- sit des mots-clés surprenants et néanmoins pertinents pour souligner un détail important sur la carrière d’un artiste ou sur une thématique. Même pour les entrées plus incontournables, nous cherchons toujours des anecdotes ou références inattendues.
Quelles ont été les grandes évolutions de la revue depuis 10 ans ?
Dada a d’abord ciblé les enfants d’une dizaine d’an- nées, entre la fin de l’école primaire et le collège. Mais on s’est rendu compte dans la pratique que la revue passait dans les mains de toute la famille, des grands frères et sœurs jusqu’aux parents. Il fallait donc trouver un ton qui corresponde à cette multiplicité de lectures.
Quand nous avons repris la revue en 2008, nous avons remis à plat l’écriture qui avait tendance à se complexifier un peu. Concrètement, pour lire Dada, il n’y a besoin d’aucun prérequis. Si on ne s’interdit pas
*http://revuedada.fr
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