Page 47 - Rebelle-Santé n° 220
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URGENCES
Dr Daniel Gloaguen
LUXATION DE LA MÂCHOIRE
LES BONS GESTES
Rire ou bâiller à s’en décrocher la mâchoire... cette expression définit particulièrement bien la luxation de la mâchoire, une pathologie qui correspond au déboîtement de l’articulation temporo-mandibulaire.
Difficile de parler de la luxa- tion de la mâchoire sans aborder l’anatomie de cette
articulation bien spécifique, l’arti-
culation temporo-mandibulaire
ou temporo-maxillaire, placée
à environ 1 cm en avant du lobe
de l’oreille, et qui partage de
nombreux points communs avec
d’autres articulations du corps hu-
main. Ainsi, chaque branche mon-
tante de la mâchoire inférieure
(mandibule) est pourvue d’une
partie arrondie, ou condyle, qui
s’emboîte dans la cavité glénoïde
de l’os temporal, un peu comme
la hanche et sa tête du fémur dans
l’os iliaque. À l’instar du genou,
cette articulation est pourvue
d’un ménisque destiné à limiter les frottements et de ligaments qui la stabilisent. La branche montante est rendue mobile par l’insertion de plusieurs muscles (muscles ptérigoïdiens). Le tout est enserré par une capsule articulaire.
UN MOUVEMENT DE GRANDE AMPLITUDE...
Cette articulation puissante dédiée à la mastication est donc facilement luxable dès lors que le mouvement est suffisamment ample (bâiller, rire, manger un gros sandwich, intervention dentaire à bouche ouverte, vomissements...) ou intense (choc, coup de poing, chute...) pour sortir le condyle hors de sa cavité. Enfin dans certains cas, la luxation se produit chez des per- sonnes pourvues d’une mobilité articulaire anormale, d’une hyperlaxité ligamentaire, ou après un premier épisode de luxation.
... VERS L’AVANT
En fonctionnement normal, le condyle bascule vers l’avant quand on ouvre la bouche. Mais lorsque la mâ- choire est luxée, le condyle bascule exagérément vers l’avant. Comme dans le cas de la luxation de l’épaule, l’articulation souffre du fait de l’étirement musculaire et ligamentaire, d’où l’obligation d’apposer un ban- dage autour de la mandibule inférieure après la réduc- tion de la luxation.
DOULEUR INTENSE
La luxation se manifeste bru- yamment par une douleur intense. Impossible de pas- ser à côté, d’autant qu’elle s’accompagne d’un autre signe spécifique : l’impossi- bilité de fermer la bouche (et donc de manger) qui donne lieu à une gêne importante et parfois à une déviation la- térale. Des difficultés d’élo- cution, l’impossibilité d’ava- ler sa salive sont également souvent présentes.
RÉDUIRE LA LUXATION...
Plus la réduction est pré-
coce, meilleures sont les chances de réussite. Il faut donc essayer de la faire sans attendre l’anesthésie, d’autant que ce n’est pas douloureux. C’est la manœuvre dite « de Nélaton », du nom du médecin qui en fit la première description au début du XIXe siècle. Elle consiste à repositionner le condyle dans sa cavité naturelle. La manœuvre de Nélaton requiert un tiers qui va se placer derrière la personne. Muni de gants, l’opérateur doit empaumer la mandibule inférieure, les pouces posés sur l’arcade dentaire et pousser la mâchoire vers le bas et l’avant pour bien dégager le condyle, puis le replacer dans sa
cavité en l’amenant vers l’arrière et le haut.
... ET ÉVITER LA RÉCIDIVE
Après la réduction et outre le bandage, il faut éviter pendant quelques semaines d’ouvrir la bouche en grand, notamment lors des bâillements pendant les- quels le patient doit placer son poing sous le menton pour limiter l’ouverture. L’alimentation, idéalement liquide, ne doit comporter que des petits morceaux. En cas de tensions liées au stress, le port d’une gout- tière occlusale nocturne permet un repositionnement de l’articulation. Enfin, en cas de récidive, une inter- vention chirurgicale est nécessaire.
Dr Daniel Gloaguen
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