Page 10 - Demo livret 8
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Mon projet de thèse, K, est issu de ce processus de réflexion et propose une forme de visualisation et d’interprétation plastique de cette recherche. La figure centrale y est celle du terrain vague, empreint successivement de la tentative de table rase du passé européen et du fiasco que connait ici le projet soviétique. C’est un lieu réel et en même temps métaphorique : le cœur de la capitale de la région et à la fois le modèle réduit de toute l’enclave de Kaliningrad.
Les images obtenues via diverses formes d’arpentage du territoire, tendent, d’une part, à en donner une vision d’ensemble, où l’on devine le paysage d’avant, désassemblé. D’autre part, le projet déploie sept narrations parallèles, constituées d’images et de mots, dédiées au paysage d’après coup. Le projet se partage en deux formes : l’édition et l’exposition, cette dernière étant composée à la fois d’œuvres conçues à partir de la matière documentaire collectée sur place et à distance et passée par un montage, ainsi que de documents bruts. Par ce montage d’éléments trouvés, j’ai essayé d’échapper à la chronologie historique pour proposer un récit qui s’articule autrement – par correspondances et analogies visuelles, par échos et répétitions intertemporelles, par anticipations et rattrapages. L’édition joue le rôle d’introduction sinon d’annexe de l’exposition, le projet se découvre ainsi en deux temps, intervertibles.
K
Cette ville est étrange, cette ville n’est pas simple La vie y bat son plein,
Tout est inhabituel ici, tout est à l’envers,
Cette ville est une maison de fous !
Tous les visages sont familiers, mais chacun Joue le rôle d’un autre
Pour y comprendre du moins quelque chose, Il faut connaître le mot de passe...
Paroles de la chanson Ville N, groupe Zoopark, texte de Mike Naumenko, traduit par E.K.
K seul. K tout court. Le titre constitué d’une seule lettre a un avantage, il ne demande pas de traduction. K c’est tout ce qui reste de la toponymie d’avant, la première lettre com- mune à Königsberg et Kaliningrad. K, en effet, n’est pas qu’une lettre, mais un signifiant, que j’ai choisi d’abord pour la référence à la ville N de la littérature russe des 19e et 20e siècles. On retrouve cette appellation, inventée par Nikolaï Gogol, dans le Revisor et les Ames mortes, les récits de Tchekhov, Les douze chaises d’Ilf et Petrov, La Ville N de Leonid Dobychin, et bien d’autres œuvres. Parfois la ville N ne désigne pas de lieu concret, mais une ville de province lambda, générique, où la vie suit son cours, éloignée de la capitale.
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