Page 39 - Test evain

Enjeux politiques et éducatifs
Traditionnellement et culturellement, la notion d’évaluation en France est appréhendée comme un volume de connaissances engrangées et la capacité à fournir la “bonne réponse” à la question posée. Elle tend à classer, favorise la mise en concurrence entre pairs et invite au jugement.
Elle conduit à la perte de confiance et de motivation
pour apprendre, voire engendre le rejet de l’école par cette pression évaluative qu’elle exerce continuellement sur les élèves. (Evain, Tilagone 2016) Elle est alors vécue comme une évaluation sanction, discriminante, ou encore “carotte” pour tenir et maintenir la classe. De surcroît, elle pointe plus les creux que les bosses, et renvoie trop souvent une image dégradée de ses compétences et de ses capacités qui émaille l’estime et la confiance en soi (Evain 2013)
QR code Lien article : EVAIN D. (2013)
Aussi, même si elle peut rester motivante pour les meilleurs élèves, elle demeure néanmoins stressante pour tous, voire bloquante, et agit plus comme un frein qu’un levier à l’apprentissage. C’est ainsi qu’au travers des enquêtes internationales (PISA), les élèves français préfèrent ne pas répondre plutôt que de se tromper. Elle est mal comprise, voire non comprise. Ses messages sont implicites, courts, peu spécifiés et personnalisés et donc peu porteurs d’apprentissages. Par son caractère systématique et mécanique, au service du contrôle pour le professeur, l’évaluation vole du temps d’apprentissage, si nécessaire aux élèves (Müller 2013).
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L’enjeu aujourd’hui est de renverser cette tendance pour faire de l’évaluation un cercle vertueux de la réussite scolaire et de l’épanouissement personnel. Il s’agit alors d’opérer un glissement de paradigme pour que toutes formes de prises d’informations sur l’activité de l’élève concourent à identifier les plus-values du travail, les processus mis en jeu et les progrès lui permettant de poursuivre son apprentissage (Evain 2015). Il s’agit alors d’évaluer sans dévaluer. Il convient de rappeler les recommandations de la Loi d’orientation de 2013, véritable fil rouge en matière d’évaluation. Cette loi précise que “Les modalités de notation des élèves doivent évoluer pour éviter une “notation-sanction” à faible valeur pédagogique et privilégier une évaluation positive, simple et lisible, valorisant les progrès, encourageant les initiatives et compréhensible par les familles”. Évaluer pour mieux faire apprendre est un changement de paradigme à opérer en considérant l’évaluation comme un “message” plus qu’une “mesure” (Rey, Feyfant 2014). L’évaluation au fil de l’eau doit ainsi permettre de guider les élèves, d’accompagner la prise d’information, d’éduquer le regard et de montrer le chemin entre ce qui a été réalisé et ce qu’il reste à parcourir. L’usage d’indicateurs est ici déterminant dans le sens où ceux-ci montrent la direction à prendre et balisent le chemin de l’apprentissage (Gibon 2015). Cette évaluation rénovée est valorisante, positive et bienveillante car elle acte les progrès, nourrit un sentiment de compétence, renvoie une image gratifiante et renforce et/ou régule l’estime de soi des élèves. De même, elle donne ou redonne confiance en soi et favorise la motivation intrinsèque par le sentiment de contrôle qu’elle développe. Ainsi, le statut de l’erreur est redéfinit comme ingrédient légitime invitant à l’analyse et devient un véritable levier formatif.
En conclusion, il semble nécessaire de prendre conscience de ce formatage culturel pour moins culpabiliser lorsque des erreurs apparaissent. Il est ici question d’une révolution mentale : passer d’une pédagogie intimidante à une pédagogie stimulante et sécurisante. À ce titre, l’erreur est réhabilitée en tant qu’information utile pour mieux apprendre. Ainsi, les pratiques d’évaluation doivent évoluer et passer d’une logique de contrôle à une logique de régulation, d’appui et de renforcement pour les apprentissages.
L’évaluation pilote, e-novEPS n° 4.
Lien vidéo : MÜLLER F. (2014) Evaluer “pour les apprentissages”, ça marche !.
Évaluer au fil de l’eau
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